Le but de cette fuite? Comme le juge Emre Demir, ancien rédacteur en chef de l'hebdomadaire turc Zaman, le plus important média d'opposition turque en France, l'objectif est de torpiller l'offensive de Raqqa aussi bien qu'entraver l'alliance entre Washington et les Kurdes.
«Ces 10 bases militaires qui ont été dévoilées par l'agence Anadolu sont utilisées pour apporter un soutien à l'armée kurde dans le cas de l'offensive contre Daech. Du point de vue d'Ankara, il y a quand-même une différence de priorités. Pour les États-Unis ce qui est important c'est d'éradiquer Daech à Raqqa ou en Syrie, mais pour Ankara voir les Kurdes comme un acteur crédible, comme un allié des États-Unis dans la région, c'est un cauchemar. Ankara est prêt à toute sorte de provocation pour empêcher cette alliance, pour empêcher le succès de cette opération», estime-t-il.
Toujours selon M. Demir, les médias publics turcs comme Anadolu sont «sous le contrôle direct de la famille et de l'entourage d'Erdogan».
«Si ces fuites sont parues dans cet article de l'agence Anadolu, cela veut dire que c'est bien le gouvernement turc qui cherche à saboter l'offensive militaire à Raqqa et qui cherche à donner une sorte de message aussi aux États-Unis», explique-t-il.
Le Président turc Erdogan est très mécontent de voir des unités étrangères opérer dans ce qu'il considère être une zone extrêmement sensible du fait de la présence active des forces kurdes soutenues par les États-Unis et leurs alliés occidentaux, estime pour sa part Jacques Hogard, colonel à la retraite, fondateur et directeur d'une entreprise spécialisée en intelligence stratégique et en diplomatie d'entreprises à l'international, en expliquant cette «regrettable fuite».
Comme le rappelle ce dernier, le fait de dévoiler publiquement un dispositif militaire, en particulier de forces spéciales, est une grave compromission qui peut être extrêmement dangereuse pour les hommes concernés sur place.
«Les bandes islamistes de Daech ou autres groupes terroristes se renseignent, et les sources que constituent les médias du monde entier sont évidemment épluchées par nos ennemis pour préparer leurs actions terroristes. Il est donc très grave que cette agence de presse gouvernementale turque ait ainsi agi», argumente l'interlocuteur de Sputnik.
Ce n'est pas un soutien direct à Daech, estime Emre Demir, mais, du point de vue d'Ankara, les Kurdes sont une menace beaucoup plus importante pour Ankara que les terroristes de cette organisation extrémiste.
«Pour Erdogan, voir les Kurdes avec un État autonome, avec une armée qui vont devenir des alliés des États-Unis ou de la France, etc. c'est un risque. Il y a une volonté de nuire à ces offensives militaires qui sont réalisées par les Kurdes avec le soutien de l'Otan, des États-Unis et de la France», résume-t-il.
Le porte-parole du Pentagone, Eric Pahon, a exprimé à Sputnik sa préoccupation par cette publication qui pourrait nuire à la coalition internationale antiterroriste.
Les tensions ont augmenté d'un cran entre la Turquie et les États-Unis suite à la récente décision du Président Trump de livrer des armes aux Kurdes syriens luttant contre Daech, ceci alors qu'Ankara considère ces unités kurdes comme liées au Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), considéré comme terroriste par la Turquie mais aussi par les États-Unis.