L’impasse des sanctions américaines contre la Corée du Nord

© Sputnik . Iliya Pitalev / Accéder à la base multimédiaThe man holds flag of the Democratic People's Republic of Koreain in Pyongyang. (File)
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Une nouvelle «opération de reconnaissance» des médias occidentaux a porté les regards du monde entier sur le problème nord-coréen.

L'agence de presse Associated Press a relayé l'information selon laquelle les USA avaient soumis aux membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies (France, Russie, Chine, Royaume-Uni) un projet de résolution pour durcir les sanctions contre la Corée du Nord suite au nouvel essai de missile de Pyongyang. La représentation permanente de la Russie auprès de l'Onu, qui n'a pas reçu de tel document, a démenti cette information.

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«La Russie ne pourra exprimer sa position sur ce projet qu'après sa soumission officielle au Conseil de sécurité et une analyse en profondeur», a déclaré le porte-parole de la représentation russe Fedor Strjijovski. Très certainement, le projet de résolution américain ne sera soutenu ni par Moscou ni par Pékin.

Cette «reconnaissance» menée dans le champ médiatique a permis de découvrir la disposition des forces: tandis que les États-Unis et leurs alliés occidentaux veulent encore serrer la vis contre Pyongyang, la Russie et la Chine prônent le dialogue avec la Corée du Nord. Moscou et Pékin sont convaincus que le renforcement de la pression ne conduira pas au règlement de la situation en Extrême-Orient mais, au contraire, la poussera définitivement dans une impasse, la rendant non seulement plus difficile à régler mais également plus dangereuse.

L'impatience a pris le dessus

Mardi 4 juillet, les USA célébraient leur fête nationale. Pendant ce temps, la télévision centrale nord-coréenne rapportait le premier lancement réussi du missile intercontinental Hwasong 14. Le communiqué indiquait que l'altitude maximale de vol avait atteint 2.802 km et que le missile avait parcouru 933 km. Le ministère russe de la Défense a précisé que les caractéristiques techniques et tactiques du missile lancé correspondaient à celles d'un missile de moyenne portée. Mais le Pentagone a tout de même estimé qu'il s'agissait plutôt d'un missile intercontinental.

Ce lancement d'un nouveau missile nord-coréen était un défi non voilé lancé aux USA — et pas seulement parce qu'il a eu lieu pendant la fête nationale américaine. En prenant ses fonctions en janvier, Donald Trump avait en effet proclamé l'abandon de la politique de «patience stratégique» menée par son prédécesseur Barack Obama. Cela concernait la Corée du Nord, mais aussi l'Iran et Cuba.

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Trump a reconnu de facto que l'approche de l'ancienne administration était erronée, d'où l'échec de la politique américaine sur ces dossiers. Il a ouvertement déclaré que son pays ne devait pas et n'affaiblirait plus la pression sur les régimes qui représentaient une menace à la sécurité mondiale, et que «seule une pression accrue les forcera à changer leur politique — pas les tentatives d'établir des relations et de s'entendre». Ainsi, selon cette idée, plus personne dans le monde ne nourrira l'illusion que l'on peut simplement «attendre que les sanctions et l'isolement passent».

Pyongyang a réagi à cette rhétorique par un nouveau lancement de missiles et de nouveaux essais nucléaires, qu'il n'a démonstrativement pas l'intention de cesser ou de limiter. En 2015, la Corée du Nord a effectué 15 tirs de missiles, 33 en 2016 et déjà 10 cette année. En 2016 le pays a procédé à deux essais nucléaires.

La semaine dernière, l'ambassadrice américaine à l'Onu Nikki Haley a déclaré que son pays préparait un projet de résolution du Conseil de sécurité pour durcir les sanctions contre la Corée du Nord. Selon la représentante américaine, la communauté internationale peut «bloquer les principales sources de devises fortes» pour la Corée du Nord, y compris décréter de nouvelles restrictions sur les livraisons pétrolières, «durcir les restrictions sur les communications aériennes et navales», ainsi qu'adopter des sanctions visant les «hauts dirigeants» impliqués dans le programme balistique nucléaire du pays. Londres et Paris ont exprimé leur soutien de la position de Washington.

De son côté, l'ambassadeur russe à l'Onu Vladimir Safronkov a déclaré que les sanctions poussaient dans une impasse le processus de paix politico-diplomatique autour de la Corée du Nord dans une «impasse».

Des regards différents

Le dirigeant nord-coréen Kim Jong-un a déclaré à plusieurs reprises que son pays élaborait l'arme nucléaire et ses vecteurs pour faire face à son principal ennemi: les États-Unis. Le missile nord-coréen testé le 4 juillet, en effet, pourrait théoriquement atteindre le territoire américain. Sachant qu'à ce jour il ne pourrait voler que jusqu'à l'Alaska, et non Washington ou New York.

Or la situation des voisins de la Corée du Nord est tout autre. Les missiles à disposition de Pyongyang pourraient, par exemple, atteindre Pékin ou les grandes villes russes. Sans parler de la Corée du Sud ou du Japon — en cas de conflit nucléaire les territoires de ces pays seraient entièrement soumis aux frappes des deux côtés.

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C'est cette circonstance qui explique en grande partie la différence d'approches concernant le refrènement de la Corée du Nord. L'est de l'Eurasie craint sérieusement que l'exacerbation de la tension autour de la Corée du Nord accroisse le risque de déclenchement accidentel d'un conflit nucléaire.

«Un responsable militaire américain stupide ou un patriote nord-coréen radical tout aussi stupide pourrait suffire pour déclencher une guerre nucléaire», écrit dans Foreign Affairs le professeur Zhu Feng, directeur exécutif du Centre chinois d'études conjointes de la mer de Chine méridionale auprès de l'université de Nankin.

Il précise également que même si la Chine n'était pas directement attaquée, le nuage de radiation des bombardements nucléaires contre le territoire nord-coréen pourrait provoquer une catastrophe dans les mégapoles chinoises — par exemple à Shenyang, ville de 7,8 millions d'habitants dans la province de Liaoning.

Pékin et Moscou désapprouvent la politique nord-coréenne de Washington, mais pas seulement. Par exemple, le déploiement du système antimissile américain THAAD en Corée du Sud pourrait ne pas servir que de «parapluie» contre les missiles nord-coréens, mais aussi faire obstacle au lancement de missiles chinois. Et le déploiement d'antimissiles américains à proximité immédiate des frontières russes ne présage non plus rien de bon pour la Russie.

La carotte ou le bâton

L'administration Trump s'efforce de pousser Pékin à exercer une plus forte influence sur Pyongyang afin de forcer la Corée du Nord à renoncer à la réalisation de son programme balistique nucléaire. Ce thème fut au centre de plusieurs entretiens entre le président américain et son homologue chinois Xi Jinping — aussi bien par téléphone que durant le récent tête-à-tête des deux dirigeants au sommet du G20 de Hambourg.

Le premier ministre japonais Shinzo Abe, en marge du sommet, s'est adressé à Xi Jinping avec le même appel. Washington et Tokyo insistent notamment sur la réduction des fournitures pétrolières chinoises en Corée du Nord, la minimisation de la coopération économique avec ce pays dans tous les autres domaines, et sur la cessation du recours à la main d'œuvre nord-coréenne dans les entreprises chinoises.

Cependant, la Chine ne s'empresse pas de répondre à ces appels, préférant adopter une position plus retenue et se distançant de la responsabilité qu'on tente de lui imposer pour la politique de Pyongyang. Ainsi, Xi Jinping a répondu à Shinzo Abe que la Chine faisait tout son possible pour soutenir les sanctions de l'Onu, faisant allusion essentiellement à l'arrêt des importations de charbon de Corée du Nord qui avait sérieusement affecté l'économie nord-coréenne et s'était négativement reflété sur le rythme de travail du programme balistique nucléaire. Le président chinois a ajouté que la Chine prônait un dialogue en plus des sanctions, et déclaré qu'il s'opposait aux «sanctions unilatérales».

Ensuite, l'agence de presse chinoise Xinhua a relayé un communiqué du ministère chinois des Affaires étrangères dans lequel le porte-parole du ministère déclarait que son pays n'était «ni un point de focalisation du problème nucléaire de la péninsule nord-coréenne, ni une partie qui exacerbait la tension». D'après le diplomate chinois, pour apaiser cette tension «les autres pays intéressés doivent également prendre leurs responsabilités».

Il ne fait donc aucun doute que sous la forme proposée par les USA, la résolution du Conseil de sécurité sur la Corée du Nord, même avec le soutien de Londres et de Paris, n'a aucune chance d'être adoptée — elle sera bloquée par le veto des deux autres membres permanents du Conseil, la Russie et la Chine.

Et ce n'est pas seulement parce que si cette résolution était adoptée des compagnies chinoises et probablement russes pourraient être frappées par des sanctions également. Mais avant tout car la politique de renforcement de la pression sur Pyongyang a depuis longtemps montré son inconsistance et son absence de résultats — et ce dans une mesure bien plus flagrante que la politique de «patience stratégique» de Barack Obama.

La position de la Russie consiste aujourd'hui à convaincre Pyongyang d'instaurer un moratoire sur les essais balistiques et nucléaires. Mais les USA sont sceptiques.

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