Les Français ont toujours aimé être à contre-courant, une tendance que l'on retrouve jusque dans le soutien de la candidature de Paris à l'organisation des Jeux olympiques 2024. En effet, si d'autres capitales européennes en lice pour cette édition des JO ont renoncé à leur organisation, notamment suite à la forte opposition d'une partie de la population comme à Budapest, il n'en est rien dans la Ville lumière, qui peut visiblement compter sur un fort soutien des Français.
Face à ce flot d'enthousiasme, nous sommes tout de même parvenus à dénicher quelques réfractaires à l'idée de voir les anneaux olympiques élire domicile à Paris le temps d'un été, la principale inquiétude étant d'ordre économique.
Un argument que la maire de Rome, Virginia Raggi, avait mis en avant en septembre 2016. Fraîchement élue sous l'étiquette du Mouvement 5 étoiles, elle avait estimé que la ville avait d'autres priorités et que la tenue des JO était «irresponsable». Il faut dire que Rome, surendettée à hauteur de 13 milliards d'euros —, n'a toujours pas fini de rembourser ses emprunts pour l'organisation des JO de 1960…
Près de 6,6 milliards d'euros ont été budgétisés pour la tenue des olympiades parisiennes. Si environ une moitié de ces dépenses, liées à l'organisation, seront à la charge du Comité d'organisation des Jeux olympiques (COJO), le reste sera à la charge des collectivités publiques.
Une dépense non négligeable, surtout lorsque l'on constate que la sous-évaluation des coûts est devenue une méthode plus que courante pour permettre à une ville de l'emporter sur ses rivales. Et le moins que l'on puisse dire, c'est que l'écart entre le budget initial et la note finale est souvent ahurissant.
Professeur émérite à l'Université de Paris 1 Panthéon Sorbonne et président d'honneur de la International Association of Sports Economist et de la European Sports Economics Association, Wladimir Andreff estime qu'au cours des cinq dernières décennies, le dépassement moyen des coûts d'organisation des JO a été de 168%.
Des surcoûts que Frédéric Viale, président du collectif NON aux JO 2024 à Paris, qui reprend le flambeau de la protestation en France, a estimés au «minimum» à cinq milliards d'euros pour Paris. Dans une tribune parue lundi dans Le Monde, cet économiste, membre du Conseil d'administration d'Attac France, fustige l'absence de concertation et la manière dont certains coûts de constructions sont masqués en étant reportés sur d'autres projets, comme celui du Grand Paris Express: «Les Jeux olympiques ont toutes les caractéristiques d'un grand projet inutile et imposé: ruineux, promu à coups d'anabolisants médiatiques, ils sont aussi anti-écologiques en plus d'avoir été décidés de manière antidémocratique.»
Pim Verschuuren tient néanmoins à se montrer rassurant quant aux risques de dérapage. S'il lui paraît improbable que Paris fasse en effet exception à cette règle qui touche les villes hôtes —notamment parce que la sécurité, forcément conséquente pour un tel évènement, n'est pas intégrée au budget- il tient à souligner que Paris jouit d'avantages que n'avaient pas d'anciennes villes concurrentes, lesquelles n'avaient jamais accueilli les JO ou tout autre évènement sportif majeur.
Au passage, Frédéric Viale rappelle le revirement d'Anne Hidalgo à l'égard des Jeux, «avant de devenir maire de Paris, elle avait affirmé qu'elle ne déposerait pas la candidature de Paris aux Jeux olympiques, "ruineux et dépassés".» Des prévisions inquiétantes pour certains observateurs, lorsque l'on considère que la dette de Paris a doublé depuis 2009.
Des arguments budgétaires qui ne semblent pas émouvoir nos partisans des Jeux à Paris, loin de là. Interrogés sur les raisons qui pouvaient bien pousser un Français sur quatre à dire «Non» à l'organisation de la compétition internationale, ceux-ci évoquent principalement la crainte pour les Parisiens de voir leur rythme de vie changer, d'avoir plus de bouchons, tandis qu'ils répondent aux craintes budgétaires par le fait que les JO généreront des retombées économiques et touristiques, que la plupart des infrastructures existent déjà et que cela pourrait générer un certain engouement pour le sport dans la capitale.
Pour revenir brièvement sur ces arguments: si comme le suggère France-info, les travaux engendreront des perturbations supplémentaires, les transports en commun ne seront pas épargnés. En guise d'illustration, vécue, je rappelle à votre bon souvenir celui des grèves qui avaient ponctué-avec les inondations- l'été 2016. Pour l'Euro 2016, alors qu'un tiers des RER circulaient, des trains spéciaux étaient affrétés afin de permettre l'acheminement des supporters vers les stades, notamment lors du match d'ouverture France-Roumanie au Stade de France. Un renforcement du réseau sur un mois pour un coût supplémentaire estimé par le Stif à 1,7 million d'euros, alors que les Franciliens avaient droit à leur régime quotidien de grèves et de perturbations.
Quant à l'engouement sportif provoqué par les Jeux, s'il est louable que des infrastructures soient développées, dans certains des cas celles-ci sont par la suite abandonnées, gonflant les rangs des fameux «éléphants blancs». Cela a notamment été le cas au Brésil suite aux Jeux de Rio. Concernant l'engouement sportif, comme le souligne France-Info, une étude britannique de 2016 relayée par la BBC montrait que quatre ans après les JO de Londres, la pratique du sport chez les Londoniens avait… reculé.
Quoi qu'il en soit, les partisans des JO, quel que soit leur nombre effectif, ont de quoi se réjouir. Le projet semble définitivement sur les rails avec la validation par le CIO, mardi 11 juillet, du principe de double attribution, avec le concours d'Emmanuel Macron qui a fait le déplacement à Lausanne pour l'occasion. Une décision qui conforte le choix de la capitale française comme ville organisatrice des prochains JO. Reste cependant à déterminer s'il s'agira des Jeux d'été de 2024 ou de ceux de 2028.
«En fait, cette décision permet au CIO d'avoir l'assurance de JO organisés d'ici 2028 et donc d'ici 2032. Donc cela cache une situation difficile pour le mouvement olympique qui a un besoin de faire augmenter la taille des Jeux-Olympiques qui doivent devenir des évènements toujours plus universels et populaires et au même moment des villes qui- à cause de la crise économique- ne souhaitent plus dépenser autant d'argent pour accueillir cet évènement.»
En tout état de cause, une attribution à Los Angeles en 2028 permettrait aux Américains de temporiser, comme l'explique le Parisien, leur permettant d'obtenir un sursis non négligeable pour terminer toutes leurs infrastructures, il semble peu probable que ces derniers laissent/cèdent la priorité à Paris sans coup férir…
Un cas de figure qui ne réjouirait pas Anne Hidalgo. En effet, les terrains, notamment du village olympique sur l'île Saint-Denis devant être reconvertis en «éco-cité» après la compétition —soit la majeure partie des 4.500 logements hérités de la compétition par le département-, sont réservés jusqu'en 2024.
Mais au-delà des éventuels surcoûts financiers, c'est également un clin d'œil à l'histoire que la ville manquerait. Paris ayant reçu la dernière fois les JO en 1924, année où la France accueillait également les tout premiers Jeux olympiques d'hiver. Réponse le 13 septembre, à Lima.