Lutte contre l’évasion fiscale: le Parlement européen sous influence des lobbies?

© AFP 2024 Frederick FlorinСкульптура "Сердце Европы" напротив здания Европарламента в Страсбурге
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Une nouvelle mesure obligeant les multinationales à plus de transparence fiscale est validée par le Parlement européen. Mais les ONG sont déçues: le texte ne va selon elles pas assez loin. Détails avec une porte-parole de l’association Oxfam France.

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Le Parlement européen a adopté mardi 4 juillet un texte visant à lutter contre l'optimisation et l'évasion fiscale des grandes entreprises. La directive, proposée par la Commission européenne dans la foulée des scandales des «Panama Papers» et des «LuxLeaks», consiste en un «reporting pays par pays»: elle oblige les multinationales à rendre publiques chaque année des informations comme leur chiffre d'affaires, le montant de leurs impôts, leur nombre de salariés ou la liste de leurs filiales, ce qui doit permettre de vérifier si elles sont correctement taxées dans les pays où elles sont implantées.

Néanmoins, le texte ne concerne que les entreprises dont le chiffre d'affaires est supérieur à 750 millions d'euros par an, et contient une clause d'exemption sur les informations dites «commercialement sensibles».

Qu'en pensent les ONG luttant pour la transparence? Sputnik a recueilli l'avis de Manon Aubry, responsable plaidoyer justice fiscale et inégalités d'Oxfam France.

 

Selon elle, cette initiative va dans le bon sens:

«C'est un pas en avant par rapport à ce que proposait initialement la Commission européenne: elle prévoyait seulement une obligation de transparence dans un nombre très limité de pays, alors que là, le Parlement européen l'étend au monde entier. En théorie, les entreprises devraient donc faire ce reporting pour tous les pays du monde.»

Néanmoins, Manon Aubry estime qu' «il y a un gros "mais"» qui risque de rendre la mesure peu productive:

«Le Parlement a en partie cédé aux lobbies des multinationales, puisque une énorme faille a été instaurée dans le dispositif, à savoir que les entreprises n'auront pas à publier ces informations si elles prouvent que cela va au détriment de leur compétitivité. Cette clause d'exemption a été introduite pour permettre aux entreprises qui le souhaitent de ne pas publier ces informations sur certains pays. C'est assez symptomatique de l'influence qu'ont les grandes entreprises. Mais surtout, ça veut dire qu'il n'y a pas de doute sur le fait que cette échappatoire va être utilisée assez largement par les entreprises pour ne pas publier d'informations sur leurs activités dans un certain nombre de pays, donc au final on n'aura pas la photographie complète de leurs activités et il sera difficile de détecter les schémas d'évasion fiscale.»

L'influence des groupes de pression des multinationales aurait donc, d'après Manon Aubry, empêché le Parlement européen d'aller au bout de sa logique:

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«Symboliquement, c'est une bonne chose que ce texte soit adopté: ça veut dire qu'il y a quand même une pression des citoyens qui s'exerce sur l'exécutif et les parlementaires européens pour agir face à l'hémorragie fiscale. Mais en pratique, cette transparence est en trompe l'œil, puisque les journalistes ou les organisations de la société civile comme la nôtre auront le plus grand mal à détecter l'ensemble des pratiques d'évasion fiscale, étant donné que l'obligation de transparence fiscale ne sera que partielle. Le Parlement européen n'est donc pas allé jusqu'au bout de l'exercice, quitte à rendre la mesure potentiellement inefficace.»

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