Moscou et Washington reconnaissent que les relations entre les deux pays sont au plus bas depuis la Guerre froide. «C'est pourquoi la première rencontre personnelle des dirigeants revêt une importance particulière», note Iouri Ouchakov, conseiller du président russe.
«Cette rencontre est effectivement importante, tout le monde l'attend. Les présidents se sont entretenus quatre fois par téléphone mais cela ne suffit pas, évidemment. Cet entretien est important pour les relations bilatérales, qui sont pratiquement au point mort aujourd'hui. Cette rencontre a également une importance majeure pour assurer la stabilité et la sécurité internationales», a-t-il souligné.
De quoi vont-ils parler?
Le Kremlin a averti que la patience de Moscou était à bout. «Je pense même que les Américains en ont assez de s'illustrer en tant que transgresseurs de la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques», souligne Iouri Ouchakov.
Les médias ont rapporté que la Russie étudiait la possibilité de saisir la propriété publique américaine à Moscou en guise de réaction. Il pourrait être question de la résidence diplomatique américaine à Serebriany bor et même de la résidence Spaso House de l'ambassadeur en Russie.
«Pendant la conversation avec Trump pourraient être évoqués le contrôle des armements et la stabilité stratégique, dont le maintien implique une responsabilité particulière de la Russie et des USA en tant que puissances nucléaires», a ajouté le conseiller du président russe.
Quant à la communauté d'experts, elle suggère aux présidents de se focaliser sur le processus de paix syrien et la situation dans la péninsule coréenne. «Il serait dans l'intérêt de la Russie de réduire la rencontre à deux sujets — le Moyen-Orient et la Corée du Nord — car le thème ukrainien est dans l'impasse et il est impossible de s'entendre à l'étape actuelle», explique Ivan Timofeev, directeur de la programmation du fonds du Club Valdaï.
Washington a encore élargi les sanctions contre la Russie compte tenu de la situation en Ukraine. Plusieurs hauts fonctionnaires de Russie et du Donbass ont été inscrits sur les listes noires américaines.
«Il y a une possibilité de manœuvrer sur la Syrie et la Corée, il y a une marge pour l'art diplomatique. Il y a bien plus d'intérêts communs pour la Russie et les USA qu'en Ukraine. D'autant qu'il existe des risques relatifs à la Syrie — incidents non prémédités, altercations et ainsi de suite. Si la discussion se réduisait à la Syrie et à la Corée, ce serait dans l'intérêt de la Russie», estime l'expert.
Auparavant, Trump avait déclaré que les USA étaient prêts à engager de sérieuses démarches vis-à-vis de la Corée du Nord, sans établir aucune ligne rouge dans leur réaction aux agissements de Pyongyang.
Le format du dialogue
Pour la plupart des pourparlers antérieurs, les dirigeants de la Russie et des USA avaient suivi le second scénario: par exemple, au sommet de la Coopération économique pour l'Asie-Pacifique (APEC) au Pérou en novembre 2016, Poutine et Obama s'étaient brièvement entretenus dans un couloir — littéralement. Au G20 à Antalya en 2015, l'entretien s'était déroulé également en présence d'autres membres de délégation, et non dans un bureau isolé: avant la réunion du G20 les présidents s'étaient installés l'un en face de l'autre près du bar uniquement en présence des traducteurs pour s'entretenir brièvement pendant 20 minutes.
Le porte-parole du président russe, Dmitri Peskov, a tout de même affirmé qu'il serait question d'une «rencontre bilatérale assise à part entière», mais «relativement limitée dans la durée».
Toutefois, le Kremlin espère que cette durée sera suffisante pour comprendre la «vraie approche» du dirigeant américain des relations avec la Russie, et non l'approche «rapportée par les médias».
Le fond
La Russie a balayé à plusieurs reprises les accusations selon lesquelles Moscou aurait tenté d'influencer les élections dans différents pays. Dmitri Peskov les a même qualifiées de «complètement infondées». En parlant de la prétendue ingérence russe dans les élections aux USA, en France et en Allemagne, Sergueï Lavrov a déclaré qu'il n'en existait «pas la moindre preuve». Le président russe Vladimir Poutine a annoncé de son côté que les USA s'ingéraient dans les processus politiques dans le monde entier, mais s'offusquaient contre la Russie qui se serait ingérée dans leurs élections, même si en réalité une telle ingérence est insensée pour Moscou.
A la veille de la rencontre, Trump a déclaré pour sa part que l'ingérence dans la présidentielle américaine «aurait pu être commise aussi bien par la Russie que par d'autres pays».
Les attentes
D'après lui, les résultats seront «très mesurés». «Peu de choses fuiteront dans la presse, mais il faut avant tout que le dialogue s'engage», a ajouté l'expert.
Le directeur de l'Institut des USA et du Canada affilié à l'Académie des sciences de Russie, Valeri Garbouzov, a souligné pour sa part que l'entretien de Hambourg «ne se fixait pas pour objectif de conclure des accords».
«On n'attend aucune percée des rencontres de présentation. Il est déjà bénéfique que ce soit le début d'un dialogue qui n'existe pas de facto au sommet», conclut-il.