Dans sa récente recherche, le groupe Bellingcat, qui se présente comme une équipe d'enquête, a déclaré que la Russie «avait essayé d'influencer le déroulement des élections en France en s'appuyant sur des études sociologiques douteuses». Les auteurs de l'enquête ont publié un article composé de plusieurs preuves non vérifiées, voire contrefaites et qui, d'après eux, attestent de l'ingérence russe dans la présidentielle française. Essayons de remettre un peu d'ordre dans tout cela.
D'après le premier point sur lequel insiste Bellingcat dans sa dernière enquête, Sputnik a utilisé les résultats douteux de recherches sociologiques en tentant de promouvoir la candidature de François Fillon pendant la présidentielle française, tandis que selon d'autres sondages, il n'occupait alors que la troisième position dans la course à l'Élysée. En réalité, il ne s'agissait pas d'un sondage, mais d'une analyse de l'opinion publique réalisée par le biais des réseaux sociaux, le mot «sondage» ayant été utilisé par erreur et remplacé au moment où la faute a été découverte.
En outre, Sputnik n'est pas le seul média à avoir publié les données des sociétés qui fondaient leurs prévisions sur l'analyse des réseaux sociaux. En guise d'exemple, la société canadienne Filteris a également effectué une étude similaire. Plusieurs médias populaires ont utilisé les résultats de cette analyse en France comme à l'étranger. En outre, l'édition Valeurs Actuelles a régulièrement publié les données des Canadiens. D'autres médias, tels que Le Point et France Inter, se sont également référés à Filteris.
Bien que Filteris ait donné un second tour Fillon-Marine Le Pen en dépit des prévisions des instituts d'opinion publique, personne n'a accusé l'édition Bloomberg d'avoir tenté d'influer sur le processus électoral suite à la publication des résultats des recherches sur leur site.
Ensuite, poursuivent les auteurs de la recherche, selon DFRLab, qui a publié les données de Brand Analytics, Sputnik a démontré «sa préférence pour les sondages qui mettent en relief la popularité de François Fillon et de Marine Le Pen». Pourtant, les données de l'étude de Brand Analytics ont été présentées dans un seul tableau qui recueillait les données des sondages d'IFOP, d'IPSOS et d'OPINIONWAY. En outre, Brand Analytics a présenté des données différentes sur les favoris en fonction des périodes, y compris lorsque, selon eux, Macron était en tête des sondages. Cependant, le nombre d'articles se basant sur les sondages classiques publiés sur Sputnik dépasse largement celui des articles où figurent les données de Brand Analytics: ainsi, le nombre des premiers s'élève à une centaine de publications, alors que seules quatre publications se basent sur les données de Brand Analytics.
Rappelons que le centre d'analyse Brand Analytics a fourni des explications sur les résultats de l'enquête qu'il a menée en temps réel sur les réseaux sociaux.
Mais Bellingcat va plus loin. D'après l'enquête du groupe, le Kremlin est le client «numéro un» de VTsIOM, qui décide quelles données ce dernier peut publier. Notons qu'outre Brand Analytics, Sputnik collabore régulièrement avec des sondeurs français comme l'IPSOS et l'IFOP et effectuent des recherches conjointement avec ces derniers.
Si on suit la logique de Bellingcat, on peut facilement présenter les mêmes réclamations à la société ELABE, un des leaders dans le domaine des recherches sociologiques en France. Le fondateur d'ELABE, Bernard Sananès, a longtemps été à la tête de l'Institut de l'opinion publique CSA, qui s'est grandement développée sous sa direction notamment grâce à son partenariat avec la chaîne d'information la plus populaire du pays, BFM TV. La nouvelle entreprise de M. Sananès, qui avait été créée un an avant l'élection présidentielle, est également devenue partenaire de BFM TV.
Et finalement, d'après les allégations de Bellingcat, il existe des preuves que les médias russes d'État publiaient régulièrement les résultats de sondages mensongers. À titre d'exemple, Bellingcat se réfère à la «falsification des résultats» concernant l'opinion publique sur le rattachement de la Crimée à la Russie, sauf que… personne n'a jamais vu les preuves de cette falsification pour la simple et bonne raison qu'elles n'existent pas.
Rappelons, que le groupe Bellingcat, fondé par Eliot Higgins, s'est fait connaître il y a quelques années «grâce», entre autres, à sa pseudo-enquête sur le crash du vol MH17. Ils ont ainsi à plusieurs reprises publié des informations censées démontrer l'implication de la Russie dans le crash de l'avion de la Malaysia Airlines, sans pour autant présenter aucune preuve concrète. Cette étude a été largement diffusée par les médias mainstream, qui en ont fait leur vérité.
Cependant, Neal Krawetz, fondateur du service de recherche Fotorrensics, qui utilise Bellingcat, a publiquement déclaré que le groupe «n'avait rien de commun avec cette analyse erronée» et que «l'activité de l'équipe de Higgins était un "exemple de comment il ne [fallait] pas faire une analyse numérique des images"». Un autre spécialiste reconnu, l'expert dans l'analyse des images et créateur de la photothèque IRISPIX Jens Kriese, a, dans une interview accordée au quotidien allemand Der Spiegel, qualifié les méthodes utilisées dans le rapport de Bellingcat pour révéler les manipulations des images de «délire du type marc de café». Il a également qualifié la méthode Error Level Analytics (ELA) utilisée par Higgins de méthode «d'amateurs».
Dans cet article, nous avons essayé de répondre de la façon la plus exhaustive possible à tous les arguments présentés dans la nouvelle enquête de Bellingcat qui sont censés prouver l'ingérence de la Russie dans l'élection française via des études publiées par Sputnik.
La rédaction de Sputnik France