Si les USA s'engageaient dans une confrontation militaire avec la Corée du Nord ou la Chine, le Japon serait forcé d'y participer compte tenu du nombre de bases militaires américaines se trouvant sur son territoire. D'un autre côté, rien ne garantit que les USA apporteraient une assistance à part entière à Tokyo si le Japon entrait en conflit avec la Chine ou la Corée du Nord.
Les autorités japonaises songent donc de plus en plus à reposer sur leur propre armée — ce qui nécessite de la renforcer.
Tractations politiques
Cette déclaration avait été prononcée à l'approche de l'appel, en mai, du premier ministre japonais Shinzo Abe à fixer dans la Constitution de l'État d'ici 2020 le statut juridique des Forces d'autodéfense du Japon. Jusqu'à présent, leur statut légal était en suspens et dans les faits l'existence des forces armées japonaises était simplement reconnue par défaut et avec l'accord des USA. La détermination du statut des Forces d'autodéfense ne changera rien à l'esprit de l'article 9* de la Constitution et ne dotera pas les troupes japonaises d'un caractère offensif, mais pourrait constituer un pas symbolique marquant la progression du Japon vers une certaine autonomie militaire.
Pendant que les politiciens évoquent les aspects légaux et symboliques, le Japon prend des décisions réelles pour renforcer sa puissance militaire.
Plus de missiles, de sous-marins et de drones
En mai déjà, les médias japonais rapportaient que le Japon avait l'intention d'acheter le système terrestre de défense antimissile Aegis Ashore aux États-Unis — l'idée étant d'accroître les chances d'intercepter des missiles nord-coréens et d'atténuer la sollicitation des six destroyers japonais dotés du système naval Aegis. Tokyo a besoin de trois batteries d'Aegis Ashore pour couvrir le pays et chaque batterie — sans les missiles — vaut près de 700 millions de dollars. Le système devrait être mis en place d'ici 2023.
Cette annonce a été condamnée aussi bien en Chine qu'en Russie. Les voisins du Japon ont remis en question le caractère purement défensif de ce système étant donné qu'il peut également tirer des missiles de croisière, et que même si ces complexes feront partie des Forces d'autodéfense du Japon, ils pourront être utilisés par les Américains à leurs propres fins en cas d'aggravation de la situation dans la région, y compris en cas de conflit avec la Chine ou avec la Russie.
D'ici 2020, quand le Japon accueillera les Jeux olympiques, il est prévu de doubler la portée et d'accroître la précision des complexes antimissiles terrestres Patriot PAC-3. D'ici là, le Japon compte moderniser 28 complexes — à commencer par ceux qui protègent Tokyo.
Il a été rapporté en mai que le Japon étudiait la possibilité d'acquérir des missiles de croisière Tomahawk. Si cette transaction avait lieu, ils seraient certainement installés sur les destroyers japonais équipés du système Aegis. Il s'agirait alors de la première arme offensive du Japon capable d'éliminer des cibles en Corée du Nord.
Le Japon compte également accroître sa flotte sous-marine de 18 à 22 unités, en sachant que l'industrie du pays construit ses propres sous-marins modernes au lieu de les acheter à l'étranger — même s'il ne parvient pas encore à mettre au point leur exportation, par exemple en Inde ou en Australie. Hormis les torpilles, les sous-marins sont dotés de missiles antinavires et travaillent étroitement avec la marine américaine en réalisant le travail principal de suivi du déplacement des navires et des sous-marins chinois.
Depuis plus d'un an, on évoque également de la volonté du Japon d'acheter aux USA trois drones de reconnaissance RQ-4 Global Hawk. Pour l'instant, sur les bases américaines au Japon sont stationnés des RQ-4 américains, et il est fort probable que les Japonais suivent des formations pour apprendre à les utiliser. Les Japonais n'étaient pas non plus satisfaits par la réticence des Américains à doter les appareils destinés au Japon de tous les systèmes modernes, c'est pourquoi Tokyo a négocié parallèlement avec Israël la fourniture de drones.
L'arme nucléaire
Le plus inquiétant reste les discussions officieuses menées périodiquement sur la nécessité, pour le Japon, de se doter de l'arme nucléaire en tant que moyen de dissuasion. Tokyo n'est pas certain que les États-Unis le soutiendront totalement en cas de conflit d'envergure avec ses voisins disposant de l'arme nucléaire (Corée du Nord, Chine, Russie).
Après l'élection du président américain Donald Trump les médias étrangers ont écrit que le moment était le plus opportun pour le Japon de devenir une puissance nucléaire, que Trump ne s'y opposait pas et que dans l'ensemble les USA perdaient leur emprise dans la région — d'autant que leurs manœuvres de porte-avions et les déclarations sur le réfrénement de la Chine sont des paroles en l'air. Les déclarations de politiciens japonais sur toute méthode permettant de défendre le pays, y compris les frappes nucléaires, se font entendre depuis 2002 quand la Corée du Nord a dévoilé l'existence de son propre programme nucléaire.
On estime aujourd'hui que le Japon est à même de créer une ogive nucléaire en 6-12 mois. L'ex-ministre japonais de la Défense susmentionné — et candidat potentiel pour devenir le prochain premier ministre — disait en 2011: «Je ne pense pas que le Japon ait besoin de posséder l'arme nucléaire, mais il est important que nous entretenions le travail de nos réacteurs commerciaux, car ils nous permettrons de créer une ogive nucléaire dans les plus brefs délais. C'est ce qu'on appelle un moyen de dissuasion.»
Pour la même raison, le Japon s'est opposé à l'organisation cette année d'une réunion à l'Onu pour évoquer un éventuel accord sur l'interdiction de l'arme nucléaire — tout comme les autres puissances nucléaires.