Cette fois, les auteurs s'intéressent aux violations des droits des travailleurs sur les sites de construction des stades et affirment que certains sont érigés par des "esclaves de Corée du Nord".
Retour au thème des supporters violents
La chaîne allemande n'est pas la seule à s'être intéressée à ce thème: le journal britannique The Guardian avait publié la veille un article sur le même sujet. On y apprenait que le président de la FIFA Gianni Infantino avait personnellement reconnu la violation des droits des travailleurs construisant le stade Krestovski de Saint-Pétersbourg — même si le haut fonctionnaire n'a jamais rien dit de tel. Apparemment, les hooligans russes ne bouleversent plus la conscience des Européens.
Tout a commencé par une lettre envoyée par les chefs des fédérations suédoise, danoise, norvégienne et islandaise au nom d'un avocat suisse. Ils ont demandé au dirigeant de la FIFA de s'occuper du problème de l'oppression des droits des travailleurs nord-coréens construisant le stade de Saint-Pétersbourg, sans apporter la moindre preuve pour appuyer leurs suppositions.
Toutefois, aussi étrange que cela puisse paraître, le reportage a tout de même commencé par un focus sur les supporters. Les téléspectateurs ont ainsi revu les fameuses images du "massacre de Marseille" pendant l'Euro 2016, sur lesquelles la voix off soulignait que la bagarre avait été initiée par les "hooligans russes" et que, suite à l'échauffourée, deux Britanniques étaient tombés dans le coma et avaient été hospitalisés. Par contre, si les journalistes britanniques avaient obtenu des réponses provocantes face caméra, ARD n'a pas réussi à capter les mêmes images.
Les Allemands ont posé quelques questions à l'ex-président de l'Association des supporters russes Alexandre Chpryguine, qualifié de "visage des émeutes", mais ce dernier n'a rien dit d'intéressant: "Seule la police française est responsable de ce qui s'est produit dans le sud de la France, et cela ne pourrait pas se produire en Russie car une préparation est en cours au niveau gouvernemental pour la Coupe des Confédérations 2017 et la Coupe du Monde 2018".
Un ouvrier qui n'exprime pas son mécontentement
En présentant, pour apporter un peu de piquant, d'autres images avec des bagarres de supporters russes, visiblement empruntées à la BBC, ARD passe à un thème plus frais. Si auparavant les journalistes allemands se focalisaient sur le dopage, cette fois ils ont décidé de critiquer la Russie sous prétexte qu'elle opprimerait les travailleurs. Ils se sont rendus sur le site de construction du stade de Rostov-sur-le-Don, où ils ont interviewé un ouvrier immigré, Sacha, qui a reconnu que les travailleurs n'étaient pas payés depuis cinq mois.
Cela n'a pas semblé suffisant aux journalistes. Se référant à la presse norvégienne, ARD a affirmé que la construction du stade Krestovski de Saint-Pétersbourg se déroulait avec la participation de travailleurs nord-coréens qui vivraient dans des conditions inhumaines et devraient reverser une grande part de leurs revenus aux autorités de leur pays. Une fois de plus les journalistes n'ont pas apporté de preuves.
En revanche, devant le stade Loujniki de Moscou, les journalistes ont rencontré un groupe de travailleurs coréens dont l'un a confié venir de Corée du Nord et travailler en Russie depuis trois semaines. Il n'a mentionné aucun retard de salaire ou tout autre problème. Bien évidemment, le visage du seul travailleur à avoir communiqué avec la presse a été minutieusement caché et il est donc impossible d'identifier son origine.
"En ce qui concerne les conditions d'embauche et de séjour des travailleurs nord-coréens, dont il était question dans les documents envoyés à différentes structures internationales tellement "préoccupées" par les droits de l'homme, elles sont réglementées par la loi du travail et de migration, à l'application desquelles veillent les autorités russes compétentes chargées de la migration. Il y a donc des personnes qui veillent au respect des droits des travailleurs en Russie", a-t-elle déclaré.
Maria Zakharova a répété que la Russie était prête à organiser des briefings avec la participation des organisateurs de la Coupe du Monde de football pour leur faire visiter les sites des futurs matchs. "Tout ce que vous voudrez. Simplement, cessez d'écrire des aberrations. Nous sommes prêts à présenter toutes les informations nécessaires", a ajouté la porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères.
L'interview manquée
Cette "investigation sulfureuse" se termine par les images du match d'ouverture au stade Krestovski où les journalistes ont découvert de nombreuses lacunes, comme le toit "qui ne s'est pas ouvert". Apparemment, les visiteurs n'ont pas compris qu'il avait été spécialement fermé pour protéger les spectateurs du vent glacial qui soufflait ce jour-là.
Les journalistes n'ont pas omis de mentionner que seulement 20 000 spectateurs avaient été admis à assister à la rencontre parce que le niveau supérieur des tribunes n'était pas prêt à accueillir les supporters. Ils n'étaient visiblement pas au courant des directives de la FIFA qui préconisent de mettre en service les stades en augmentant progressivement le nombre de visiteurs afin de vérifier le fonctionnement de tous les systèmes. Le seul problème que les Allemands ont mentionné à juste titre concerne la qualité de la pelouse, qui laisse encore à désirer. Toutefois, au moment de la diffusion de ce reportage cette question n'était déjà plus d'actualité.
L'ARD et ses attaques sur le dopage
Ce "documentaire" est loin d'être le premier film de la chaîne ARD sur l'état prétendument déplorable du sport russe. Début décembre 2014, elle avait sorti un reportage parlant du "dopage omniprésent" dans l'athlétisme russe, dont les principaux protagonistes étaient Vitali Stepanov, ancien collaborateur de l'Agence russe antidopage (Rusada), et son épouse Ioulia qui avait été disqualifiée à long terme pour usage de produits interdits. Après la sortie du film, l'entraîneur de longue date de l'équipe de Russie de marche athlétique Viktor Tcheguine a perdu son poste. De nombreuses célébrités de cette équipe ont été écartées des pistes, notamment les champions olympiques de 2012 Sergueï Kirdiapkine et Olga Kaniskina.
Les informations fournies par le couple Stepanov ont suscité l'intérêt de l'Agence mondiale antidopage (AMA), qui a créé une commission dirigée par le professeur Richard McLaren pour enquêter sur les épisodes mentionnés dans le film. L'AMA a finalement statué qu'une "culture du dopage" s'était établie dans le sport russe et que l'usage de produits interdits dans le pays était couvert par les fonctionnaires sportifs. A la même époque, certains ont déclaré que Rusada aurait remplacé les échantillons pendant les JO 2014 de Sotchi avec l'aide des agents du Service fédéral de sécurité (FSB).
En novembre 2015, la Fédération russe a été exclue pour une durée indéterminée de la Fédération internationale d'athlétisme (IAAD), et l'AMA a retiré son accréditation à Rusada.
Le dernier reportage de Seppelt diffusé en janvier s'appuie sur le témoignage d'un nouvel informateur, le coureur Andreï Dmitriev, qui a déclaré que certains entraîneurs écartés du sport professionnel continuaient de travailler avec des athlètes de l'équipe de Russie. En particulier, Andreï Dmitriev a mentionné le nom de Vladimir Kazarine — disqualifié à vie par l'AMA.
"Cette situation est exagérée par monsieur Dmitriev. Après la décision de l'IAAF nous avons coupé tous les financements à Kazarine — les cotisations d'entraînement, les salaires, etc. Il a pris son argent et est parti où bon lui semblait. Il aurait pu partir avec l'équipe des USA sur un stade pour s'entraîner, payer une location et travailler avec n'importe qui", a répondu le président de la Fédération russe d'athlétisme Dmitri Chliakhtine.
Les opinions exprimées dans ce contenu n'engagent que la responsabilité de l'auteur de l'article repris d'un média russe et traduit dans son intégralité en français.