Les dizaines de milliers de personnes rassemblées en meeting ce dimanche 9 avril, au Vieux-Port de Marseille, cette percée spectaculaire dans les enquêtes d'opinion… Malgré toutes les réserves qu'on peut apporter à la fiabilité des sondages, pourrait-on envisager un second tour opposant Jean-Luc Mélenchon à Marine Le Pen? Sputnik a posé la question au politologue Olivier Rouquan.
« La possibilité d'un second tour Le Pen-Mélenchon existe, mais il faut être prudent: avec la marge d'erreur de 2 % des sondages, François Fillon et Jean-Luc Mélenchon sont en fait au coude à coude en intentions de vote. D'autant que l'incertitude reste importante: autour de 35 % des sondés restent indécis, et il y a les "changeurs", c'est-à-dire des gens qui changent de candidat au fil du temps », explique-t-il.
Cette possibilité d'un duel entre Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon existe également pour le politologue et chercheur associé à l'IRIS Eddy Fougier. Analysant les raisons de la montée du chef de la « France insoumise » dans les intentions de vote, M. Fougier observe que celle-ci s'effectue majoritairement au détriment de Benoît Hamon, alors que M. Mélenchon « siphonne » l'électorat du candidat socialiste.
« Il y a une sorte de fluidité entre les électorats de Benoît Hamon et Jean-Luc Mélenchon, un peu comme on a pu le connaître lors de la primaire de la droite entre François Fillon et Nicolas Sarkozy. Pour les électeurs, il n'y a pas de coût particulier à passer de l'un à l'autre », estime le chercheur.
Mais en quoi consiste le secret de cette brusque montée en popularité? Eddy Fougier voit la réunion de plusieurs facteurs, et surtout la « rupture » avec la ligne de François Hollande, quinquennat qu'« une partie de la gauche considère » comme « raté »:
« Son succès est dû à la fois à la communication politique (il a l'expérience d'une campagne présidentielle, ses meetings sont innovants, c'est un "bon client" dans les médias, ses initiatives sur internet sont très marquantes) », explique-t-il, avant de poursuivre: « mais aussi à sa stratégie de rupture par rapport au quinquennat de François Hollande et à sa volonté de placer son mouvement en dehors des partis politiques ».
Tout comme Olivier Rouquan, qui qualifiait la possibilité d'un second tour entre Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon de « saut dans l'inconnu », Eddy Fougier dénonce l'imprévisibilité de ce scénario.
« La question qui va se poser, c'est de savoir ce que vont faire les électeurs de droite si jamais François Fillon était battu dès le premier tour. Je ne suis pas sûr que le "front républicain" fonctionne lors d'un second tour éventuel sans la présence de François Fillon », s'interroge-t-il et ajoute: « Dans un cas de second tour Mélenchon-le Pen, pour moi, la favorite est Marine Le Pen. »
Mais le chercheur ne considère pas moins la perspective d'un duel Le Pen-Mélenchon comme « le symptôme d'un effondrement du système politique ».
« Déjà, le fait que Jean-Luc Mélenchon soit susceptible d'arriver devant le candidat socialiste est un événement en soi. Que Marine Le Pen devance le candidat de la droite classique, on s'y attend depuis un moment. Mais le fait qu'il n'y ait plus de candidat de partis dits "de gouvernement" au second tour, ce serait un désaveu terrible pour la classe politique », assure-t-il.
Et de conclure: « Ce ne serait pas tellement surprenant malgré tout, parce que la droite et la gauche, avec respectivement les quinquennats de Nicolas Sarkozy puis François Hollande, ont déçu. La tentation chez de nombreux électeurs est donc de dire "ça n'a pas marché, essayons autre chose". »