Quel itinéraire ont suivi les Tomahawk?
Le Pentagone a annoncé avoir tiré 59 missiles de croisière Tomahawk contre la base aérienne de Shayrat mais les militaires américains n'ont livré aucun commentaire sur l'itinéraire qu'ils ont emprunté pour arriver à leur objectif.
D'après les experts, un tel itinéraire est assez peu probable car un système antiaérien russe S-400 est déployé à la base aérienne de Hmeimim et un autre système antiaérien S-300V4 est stationné à la base navale russe de Tartous — les deux étant protégés par des canons antiaériens Pantsir. En fait, les Tomahawk auraient ainsi dû franchir une zone où les dispositifs de détection et de défense russes sont les plus efficaces.
L'itinéraire des Tomahawk fut donc probablement le suivant: les missiles en provenance de la Méditerranée ont pénétré dans l'espace aérien libanais et, une fois dans le ciel syrien, se sont dirigés au sud le long de la frontière entre la Jordanie et la Syrie avant de bifurquer vers le nord pour frapper Shayrat. Dans ce cas les S-300V4 et S-400 russes étaient à 200-300 km des Tomahawk dont la détection était empêchée par le relief complexe de la région.
Quelle efficacité?
Dans le communiqué officiel sur les résultats de la frappe contre Shayrat, le ministère russe de la Défense a annoncé la destruction d'un entrepôt matériel et technique, d'un centre de formation, d'une cantine, de six avions MiG-23 et d'un radar. Sachant que seulement 23 des 59 missiles ont atteint leur cible.
Les vols depuis la base aérienne de Shayrat ont repris. La perte de 9 avions de combat semble à première vue être un sérieux préjudice pour l'armée de l'air syrienne mais, comme l'explique l'historien militaire Dmitri Boltenkov, "le Su-22M3 est la version d'exportation du chasseur-bombardier soviétique Su-17M3 avec plusieurs modifications. Son principal problème est son moteur d'une durée de vie limitée et sa prise d'air difficile à contrôler, qui tombe souvent en panne. Les Su-22M3 frappés à Shayrat étaient probablement hors service."
Les Tomahawk d'un autre système
Comme l'a noté l'expert militaire indépendant Anton Lavrov, les débris retrouvés sur l'aérodrome permettent d'identifier les missiles comme étant les plus modernes de l'arsenal de la flotte américaine TacticalTomahawk (RGM/UGM-109E, Block4).
C'est la baisse de la masse de l'ogive du TacticalTomahawk qui explique la faible efficacité de la frappe contre les abris en Syrie. Dans la plupart des cas, les ogives des missiles de croisière ne les ont pas percés.
Dans son arsenal, la marine américaine dispose de missiles plus anciens BGM-109C munis d'une ogive de 440 kg et de BGM-109D à sous-munitions. Leur absence à Shayrat montre que le commandement américain a donné très hâtivement l'ordre d'attaquer: les missiles de croisière n'avaient pas été acheminés jusqu'en Méditerranée pour recharger les navires.
La riposte aux plans américains
L'attaque contre la base de Shayrat a remis en question l'offensive américaine contre Raqqa qui devrait entrer dans sa phase décisive ce mois-ci. A la veille de l'attaque les Américains et leurs alliés kurdes des "Forces démocratiques syriennes" ont terminé l'encerclement de la ville de Tabqa et menaient des combats actifs pour prendre le barrage éponyme, considéré comme le plus grand de Syrie.
De toute évidence le Pentagone a conscience de la menace qui émane des chasseurs et des systèmes antiaériens russes, ce qu'indique indirectement la réduction significative des vols opérationnels dans la région de la capitale du "califat" autoproclamé. Le QG de l'opération Inherent Resolve a annoncé que vendredi (immédiatement après l'attaque contre Shayrat) l'aviation de la coalition avait lancé au total huit frappes contre des cible en Syrie alors que plus tôt leur nombre était 2 à 3 fois plus élevé.
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