Non en fin de compte, les véritables lettrés ne conseillent plus car les princes semblent se satisfaire des flashs des photographes. Les lettrés quant à eux n'ont plus guère d'illusions dans l'absolu, et encore moins à l'heure actuelle, à l'heure de l'élection présidentielle. Nous avons donc pu recevoir l'un d'eux en studio…
Vincent Coussedière est Professeur agrégé de philosophie, il a publié le troisième volet d'une trilogie sur notre situation contemporaine. Le premier était un Eloge du populisme (publié chez Elya en 2012) et le deuxième Le Retour du peuple, an I (au Cerf, en 2016). Le troisième est donc Fin de partie, Requiem pour l'élection présidentielle, cette fois publié chez PG de Roux.
Notre analogie introductive est évidemment un peu — juste un peu… — caricaturale, mais les factions menaçaient déjà le bien commun sous la Renaissance florentine. Aujourd'hui, nous faisons face à des factions d'un nouveau genre, que Vincent Coussedière critique férocement dans son essai: les partis.
La capacité des partis populistes
« Le populisme, c'est la réaction des peuples à leur décomposition. Ils veulent conserver un état souverain (…) et conserver une certaine unité de mœurs. Les partis populistes ont bien compris cela, ils cherchent à répondre à cette demande ‘archi-politique'. Mon scepticisme porte sur la capacité des partis populistes en Europe, en tant qu'ils sont des partis, à satisfaire ces demandes. »
L'individu face au Commun
« J'essaie de montrer que notre système partisan ne peut plus s'appuyer sur des offres alternatives et plurielles. Le système partisan repose sur une idéologie unique. Il n'y a pas véritablement de débat politique, ce qui explique l'évolution actuelle de la campagne et sa judiciarisation — c'est pour masquer qu'il n'y a pas d'alternative (…) Emmanuel Macron a intitulé son ouvrage ‘Révolution' : la réforme est devenue révolutionnaire… on ne peut pas comprendre la puissance de l'idéologie réformiste si on ne la comprend pas comme une métamorphose des idéologies totalitaires, qui poursuivaient un but d'émancipation totale de l'individu. Le moyen de cette émancipation n'est plus le communisme ou l'abolition des classes, c'est la mondialisation. Elle est devenue la manière d'aboutir à l'émancipation totale de l'individu. Mais la politique ne poursuit pas l'émancipation totale de l'individu mais le Bien Commun, pour cela l'individu doit aussi, quelquefois, sacrifier son intérêt particulier. »
L'épuisement français
La grandeur humaine
« Dès qu'on commence à souligner l'importance des grands hommes dans l'Histoire, on nous parle de l'homme providentiel. Je pense qu'il faut réhabiliter l'idée des grands hommes: nous redécouvrons la question parce que nous sommes dans un contexte politique extrêmement grave — ça a complètement disparu de la campagne électorale, nous étions en guerre, maintenant plus du tout : nous pouvons nous livrer à des polémiques sur les prix des costumes ! C'est la gravité du contexte qui va nous faire redécouvrir l'importance des grands hommes et le système partisan ne parvient pas à constituer une forme d'athlétisme d'Etat qui permettrait d'accoucher de grands hommes. »
La guerre et l'amitié
« Si on entend par ‘guerre' une forme de retour à l'état de nature, l'idéologie réformiste en absolutisant l'individu, et la liberté de l'individu, en mettant le politique au service de celle-ci, est une manière de nous faire retourner à une forme d'état de nature… Quand j'ai écrit ce livre cet été, à la suite d'une année 2015-16 catastrophique, où cette situation proche d'une forme de guerre était éclatante. Pensons au terrorisme, à l'Euro de football, aux manifestations contre la Loi El Khomry. On a l'impression qu'on est dans une forme de guerre de tous contre tous, où le principe de la majorité ne fonctionne plus, car il n'y a plus d'amitié politique suffisante entre les citoyens de ce pays pour accepter, quand on est dans la minorité, ce qui a été décidé par la majorité. »
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