En cause, le fait qu'Abdelilah Benkirane n'ait pas réussi, depuis sa réélection en octobre dernier, à constituer une majorité au Parlement et à former un gouvernement. Il sera remplacé par l'islamiste Saad-Eddine El Othmani, psychiatre de formation et figure du Parti justice et développement (PJD, islamiste), dont il a été secrétaire général de 2004 à 2008.
Où en est donc la démocratie au Maroc depuis les concessions de la nouvelle constitution, adoptée en 2011 dans la foulée des printemps arabes, et quelle est la situation politique actuelle du pays? Sputnik a réussi à interviewer sur ce sujet Kader Abderrahim, chercheur à l'IRIS, maître de conférences à Sciences Po Paris et spécialiste du Maghreb.
D'après le chercheur, le roi a décidé de démettre le Premier ministre Abdelilah Benkirane parce que celui-ci n'est pas parvenu à « former un gouvernement et que le PJD s'opposait à la nomination comme ministre des Finances d'Aziz Akhannouch, très proche du palais mais aussi un homme d'affaires prospère ».
Toujours est-il que la décision de Mohammed VI de remplacer unilatéralement son Premier ministre élu était « constitutionnelle », relève-t-il.
« Le roi peut à tout moment renvoyer son Premier ministre et le gouvernement. […] Le remplaçant du Premier ministre doit tout de même être issu de la même majorité que celle qui est sortie des urnes. »
Concernant l'aspect démocratique de la monarchie constitutionnelle marocaine, le chercheur fait remarquer que le roi reste de toute manière « l'arbitre et le centre du jeu politique » et que son rôle est perçu comme celui d'une « personnalité qui ne peut pas être dans la mêlée politicienne ».
D'après lui, il n'y a pas de doute sur le fait que le PJD au pouvoir est un parti islamiste ayant un projet politico-religieux pour le Maroc.
« S'il a gagné pour la seconde fois les élections, c'est qu'il a une assise sociale suffisamment importante dans le royaume. […] Le programme du PJD, c'est essentiellement d'assainir la vie publique, c'est la moralisation de la vie publique, c'est l'exemplarité politique », conclut-il.
À la tête du gouvernement depuis la victoire historique de sa formation islamiste dans le sillage des Printemps arabes en 2011, le secrétaire général du PJD avait été reconduit dans ses fonctions par le roi au lendemain du scrutin législatif du 7 octobre 2016, remporté une nouvelle fois par le PJD. Il n'est toutefois pas parvenu à former une coalition majoritaire, malgré des mois d'intenses et interminables tractations.