Arrivés dans la gloire et repartis dans l'opprobre, les soldats russes envoyés pour combattre en France en 1916 vivront à distance les grands événements qui bouleversèrent leur pays à tout jamais, souvent dans la colère et la frustration.
Sputnik a rencontré l'historien Gérard Gorokhoff, coauteur du livre « Le Corps expéditionnaire russe en France et à Salonique, 1916-1918 ». Il nous raconte comment l'abdication du Tsar, la révolution bolchevique et le traité de Brest-Litovsk ont mis un terme à l'aventure des soldats russes en France.
Ils sont 40 000 soldats russes à venir en renfort de l'armée française sur deux fronts, à Salonique et sur le sol français : c'est le fameux « Corps expéditionnaire russe ». Même si leur contingent représente peu par rapport au million d'hommes au combat, ces soldats sont une bouffée d'espoir, à un moment critique pour la France et l'Angleterre.
« Il y aura une excellente propagande de faite : les Russes vont recevoir un accueil comme on en verra rarement, sauf peut-être les Américains en 17, et encore… »
« L'état-major sait que sans l'offensive russe en Prusse orientale en 1914, le front français n'aurait pas tenu. La France et les Anglais auraient été écrasés… la guerre était perdue. »
Formés au maniement des armes et techniques françaises, leur intégration se passe bien, jusqu'à ce que la Révolution éclate. Alors que se prépare l'offensive Nivelle, les Russes apprennent que Nicolas II, « l'empereur de toutes les Russies », abdique. La révolution est en marche à plusieurs milliers de kilomètres, que faire ? Le gouvernement provisoire de Kerenski convainc les troupes de poursuivre l'offensive, qui devait leur garantir un prochain retour dans leurs foyers.
Ceux qui forment les soviets les plus agités vont être envoyés à la Courtille. Ce sont tous des gens avec une certaine instruction, qui ont su prendre l'ascendant sur leurs camarades. Ils auront pris fait et cause pour ce qu'on appelle au départ « la république », puis après ce sera pour les soviets.
Kerenski est embarrassé par ces héros d'hier devenus agitateurs, et les Français ne veulent pas en entendre parler. C'est un détachement de soldats russes, restés fidèles au gouvernement provisoire, qui attaquera le camp pour réprimer les mutins, lesquels finiront par se rendre. Les meneurs sont envoyés dans d'autres camps, ceux qui le veulent peuvent rester combattre : ils seront 400 à former ce que l'on appellera la « Légion d'honneur ».
Le traité de Brest-Litovsk, signé par les bolcheviks qui ont fini par prendre le pouvoir, jettera pour de bon un voile de disgrâce sur ces combattants venus de l'Est défendre la France.
Les Français, les Alliés même, ont considéré comme une trahison la paix séparée que les bolcheviks ont conclu à Brest-Litovsk avec les Allemands. La Russie, qui était très présente dans les médias, a été oubliée, bannie de la mémoire, y compris le Corps expéditionnaire.
Je dirai que c'est une belle histoire, une belle histoire dramatique. Ça commence très bien, sous les acclamations et l'enthousiasme, et ça se finit en tragédie. Ces pauvres gens qui ont donné le maximum d'eux-mêmes, coupés de leur pays, de leur pays en révolution.
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