En novembre 2016 la plus grande galerie d'art contemporain de la capitale allemande, CFA Berlin, a organisé l'exposition "Café Pittoresque" en hommage au célèbre café artistique du quartier Kouznetski Most à Moscou, fondé par Vladimir Tatline et Alexandre Rodtchenko en 1917. Peintres, photographes et poètes futuristes favorables à la révolution se réunissaient dans cette "gare mondiale des arts".
L'exposition du CFA comprend les Fenêtres Rosta (affiches de propagande) de Vladimir Maïakovski et de Mikhaïl Tcheremnykh, les travaux d'El Lissitsji, d'Amsheï Nurenberg, d'Alexandre Rodtchenko, d'Abram Chterenberg et des diplômés de l'école Vkhoutemas. Des peintres allemands contemporains dialoguent dans la galerie avec les avant-gardistes russes.
Leurs œuvres renvoient au suprémaitsme, au constructivisme, à la propagande, et montrent que les idées inspirées par la révolution restent d'actualité aujourd'hui. L'exposition, qui met en lumière ce que cette époque a apporté à l'art européen, durera jusqu'au 4 mars.
Jusqu'au 12 mars, il sera également possible de visiter l'exposition "Impulsion révolutionnaire: l'ascension de l'avant-garde russe" au Museum of Modern Art de New York. Cette exposition couvre la période entre 1912 et 1935 et évoque la percée artistique dans tous les domaines: la peinture, la sculpture, la presse, le design, le cinéma, la photographie, l'architecture et la littérature. Les principaux figurants coïncident avec la tête d'affiche de Berlin, mais aux travaux de Maïakovski, de Lissitski et de Rodtchenko s'ajoutent ceux d'Alexandra Exter, Natalia Gontcharova, Kazimir Malevitch, Lioubov Popova, Olga Rozanova et Dziga Vertov.
Hormis les musées d'art contemporain, cette année des établissements plus traditionnels sont également tournés vers le phénomène de la révolution. L'antenne de l'Ermitage à Amsterdam a organisé l'exposition "1917. Les Romanov et la révolution" sur le sort de la dernière dynastie qui a régné sur l'Empire russe.
Parmi les objets exposés on retrouve des documents d'archives, des photos, des portraits, des objets personnels et des journaux de Nicolas II et de son épouse Alexandra Fedorovna, ainsi que des dessins de leurs enfants et les œuvres du célèbre joaillier Karl Fabergé créées pour le monarque.
A partir du 11 février, Londres sera au centre de l'agenda révolutionnaire: l'Académie royale des beaux-arts, en collaboration avec la galerie Tretiakov de Moscou, présentera le projet "Révolution: l'art russe de 1917 à 1932". Hormis les chefs d'œuvre de la collection de l'académie, la galerie moscovite fera venir dans la capitale britannique les meilleurs travaux de Kandinsky, Malevitch et Chagall.
Hormis les peintures, sculptures, photographies et affiches, l'exposition présentera des objets de la vie quotidienne — des tickets de rationnement à la porcelaine soviétique. Les visiteurs pourront également ressentir l'atmosphère des premières années postrévolutionnaires en visitant un appartement collectif reconstitué. L'exposition durera jusqu'au 17 avril.
En avril également, la British Library ouvrira l'exposition "Révolution russe: espoir, tragédie et mythes". Les organisateurs focaliseront leur attention sur les citoyens ordinaires et la manière dont leur vie a changé dans le torrent des événements révolutionnaires. Les principaux objets exposés seront des lettres, notamment de la correspondance de Vladimir Lénine qui a visité plusieurs fois cette bibliothèque quand il vivait à Londres.
Pour l'anniversaire de la révolution d'octobre, le 8 novembre, la Tate Modern de Londres organisera une autre exposition intitulée "L'Étoile rouge au-dessus de la Russie", à ne pas manquer pour les amateurs de propagande et de graphisme. Parmi les objets exposés — la fameuse affiche de Dmitri Moor "T'es-tu porté volontaire?" et les travaux de l'auteur de "Ne parle pas", Nina Vatolina.
Les révolutionnaires de la plume
Les Britanniques accordent une attention particulière à cette date historique. La maison d'édition londonienne Pushkin Press a notamment publié une anthologie intitulée 1917: histoires et poèmes de la révolution russe, qui compile des poèmes et de la prose écrits entre 1917 et 1919.
Parmi les auteurs on retrouve Marina Tsvetaïeva, Mikhaïl Boulgakov, Boris Pasternak, Alexandre Blok, Alexandre Kouprine, Teffi ou encore Mikhaïl Kouzmine. La préface de l'ouvrage souligne qu'aujourd'hui, leurs œuvres sont "d'autant plus pertinentes" car elles décrivent une époque où le "monde s'est retourné sens dessus dessous" et "tout était remis en question".
De son côté, la maison d'édition Vintage Classics considère que le 100e anniversaire de la révolution est une bonne occasion de rappeler la littérature classique aux lecteurs. Six nouvelles éditions des "plus grandes œuvres de la littérature russe" ont ainsi été publiées avec de nouvelles couvertures.
Dans la liste anniversaire: Guerre et Paix, Anna Karénine, Crime et châtiment, Le Docteur Jivago, Le Maître et Marguerite, Vie et destin. On ignore comment aurait réagi Tolstoï et Dostoïevski à l'inscription de leurs œuvres dans la série "révolutionnaire", mais les éditeurs sont convaincus que la littérature russe de toutes les périodes est susceptible de "provoquer un bouleversement dans la conscience du lecteur".
Pasternak sur YouTube, Gorki à Londres
Les étudiants de l'université Kingston de Londres ont suivi le même chemin que Vintage Classics. A l'initiative de la maison d'édition ils ont tourné des dessins animés en s'inspirant des œuvres classiques russes. Les jeunes réalisateurs ont réussi à résumer les sujets du Maître et Marguerite et de Vie et destin dans une vidéo de 40 secondes. La palme d'or a été remportée par le dessin animé sur Le Docteur Jivago avec un prix de 1 000 livres.
Le point culminant du programme sera le voyage de la "maison des arts" mobile à travers la Grande-Bretagne de mai à août avec la participation de peintres, d'écrivains et de musiciens du Royaume-Uni, de Russie, d'Ukraine, de Biélorussie et d'Azerbaïdjan. En automne, cette expédition culturelle reviendra à Londres, au centre Barbican, où sera projeté un autre film de Sergueï Eisenstein — Octobre: dix jours qui ébranlèrent le monde.
Les Britanniques passionnés par le théâtre ne pouvaient pas passer à côté du drame russe prérévolutionnaire. Hormis les pièces d'Anton Tchekhov qui font déjà partie des répertoires de pratiquement chaque théâtre de Londres, on s'attend à des premières inédites: en mars sera notamment mise en scène la pièce Les talents et les admirateurs d'Ostrovski, et en juin Les Derniers de Maxime Gorki.
Mais le programme probablement le plus intéressant a été présenté par l'un des plus anciens théâtres de l'Off West End: Arcola. La nouvelle saison s'appelle "Révolution" et se compose entièrement de spectacles consacrés à cette période charnière dans l'histoire russe: Les Bas-fonds, Les Futuristes, Cœur de chien et La Cerisaie.