Sommes-nous allés trop loin ? Nous autres, enfants de la Modernité, du Progrès, du règne de l'individu, sommes-nous devenus déracinés, hors-sol, destructeurs ? Destructeurs, et de quoi ? Peut-être de notre monde, à la fois naturel et social, donc de notre terre nourricière ?
Professeur émérite à la Sorbonne, membre de l'institut universitaire de France, Michel Maffesoli plaide pour un réenchantement du monde. Son dernier essai vient d'être publié aux éditions du Cerf et il est intitulé Écosophie. À la fois borborygme et mot savant, l'écosophie provient du grec oïkè, l'habitat, ce qui renvoie à notre terre, et sophia, sagesse. « Seul le Réel mérite attention, écrit Maffesoli. Et c'est cela que je nomme: sensibilité écosophique ». Un souci réaliste, donc.
Regardez l'émission dans son intégralité :
Extraits :
« Je ne tiens pas à rompre avec la modernité, je me contente depuis de nombreuses années de rendre attentif à un changement d'époque qui est en cours. "Époque" en grec, ça veut dire parenthèse. Je crois que la parenthèse moderne se ferme. Elle s'inaugure avec le XVIIe et une concrétisation philosophique au XVIIIe et les Lumières, puis se systématise au XIXe — les grands systèmes sociaux, marxisants en particulier, et fonctionne tant bien que mal jusqu'au XXe. Notre propos est de repérer la décadence de cette période, qui a donné de belles choses — le progrès, le mythe prométhéen. Est en train d'émerger autre chose, j'appelle ça sensibilité écosophique. Je propose ce terme pour prendre le contrepied et éviter l'écologie politique… »
Idée & sensualisme
Drame & tragédie
Progrès ou progressivité
« L'accent a été mis durant toute la modernité sur cette belle idée de progrès (…) tout le monde se dit progressiste. Je dis que cette domination du monde a abouti à la dévastation du monde. Les saccages écologiques en sont l'expression. Je propose un autre terme que nous avons en langue française : la progressivité. La philosophie progressive. La philosophie progressive prend acte qu'il y a une manière de progresser à partir des racines. C'était le titre de ma thèse d'État à l'époque : l'enracinement dynamique. Voyez, c'est cette opposition : plutôt que de rester obnubilé par le mythe du progrès qui a donné de belles choses — je n'ai pas envie de critiquer le XVIIIe ou le XIXe, nous en sommes à bien des égards le produit -, mais à côté de cela, il y a un autre rapport à la nature, au sens, à la dimension chtonienne. La plante humaine n'existe que parce qu'elle a des racines qui lui permettent de croître. L'[être-ensemble] également a besoin, retrouve ses racines: c'est la tradition, c'est le retour du religieux sous ses diverses modulations… »
Le politique, une antiphrase
Les opinions exprimées dans ce contenu n'engagent que la responsabilité de l'auteur.