« Elle va tenter d'utiliser cette histoire-là à son profit. […] Mais il y a des précédents, Michelle Obama en Arabie Saoudite n'a pas porté le voile. La question que l'on peut poser ici, c'est pourquoi le mufti a insisté pour qu'elle porte le voile? A la limite, il aurait pu laisser passer ça, justement pour ne pas lui donner d'argument supplémentaire », commente Michel Touma, rédacteur en chef de L'Orient le Jour.
Le Premier ministre est le leader d'un parti qui représente l'islam modéré au Liban et un peu dans la région. Or, je n'ai pas connaissance de déclaration de Mme Le Pen dans laquelle elle fait la distinction entre l'islam modéré et le terrorisme.
Elle aura en revanche marqué des points avec le patriarche maronite Béchara Raï. À l'issue de l'entrevue, Marine Le Pen a salué la culture libanaise de « modération, créée par les chrétiens et les musulmans. »
« Ce n'est pas l'escale libanaise qui va lui redonner une certaine envergure internationale. L'escale libanaise est compréhensible parce que se pose la question des chrétiens d'Orient, donc c'est une occasion pour elle », commente Antoine Sfeir, Directeur des Cahiers de l'Orient et politologue. De fait, Marine Le Pen n'a pas choisi le Liban par hasard, confirme Élie Hatem, avocat et spécialiste de cette région. Soulignant les relations séculaires qui unissent les deux pays, la candidate entend faire « revenir la France au Proche et au Moyen-Orient, pour être la protectrice des chrétiens et de l'ensemble des minorités persécutées au Proche et au Moyen-Orient. »
Le gouvernement libanais espère aussi trouver son compte dans ce défilé des prétendants à la gouvernance de la France et souhaiterait « une contribution sans cesse croissante au règlement du problème des réfugiés syriens », explique Michel Touma. À ce sujet, Marine Le Pen, qui veut réduire drastiquement le nombre de réfugiés admis en France, appelle la communauté internationale à faire davantage pour les maintenir dans des camps humanitaires au Liban. Son prédécesseur, en visite dans un camp de réfugiés, s'est montré aussi évasif que Marine était froide sur la question de la répartition: « C'est bien la ligne, celle d'une protection de la France, de sa sécurité, de ses intérêts et en même temps d'un humanisme français que je tiendrai. »
Mais globalement, « pour le Liban, c'est important que les candidats à l'Élysée tentent de s'informer de près de la situation dans le pays », selon Michel Touma:
Nous avons 18 communautés au Liban, qui sont reconnues officiellement. Le système politique et l'équilibre du pays est fondé sur la sérénité dans les rapports entre ces 18 communautés. Alors lorsqu'un parti comme le Hezbollah s'implique dans la guerre syrienne et participe à des combats, en définitive contre la population sunnite, cela a des répercussions au Liban. Cette situation explosive, je pense qu'il est important que les candidats à l'Élysée, soient informés de près de sa complexité.
Pour l'instant, aucune visite officielle de Jean-Luc Mélenchon et de Benoît Hamon n'est encore prévue. François Fillon, pris dans la tourmente des révélations embarrassantes du Canard Enchaîné, pourrait envoyer Bruno Le Maire, d'après Michel Touma, qui s'étonne de cet engouement nouveau et manifeste: « C'est la première fois dans une bataille présidentielle française que nous assistons à cet intérêt-là ».