Hollande au Liban, un tour pour rien?

© AFP 2024 Stephane de SakutinLe président français François Hollande et le Premier ministre libanais Tammam Salam
Le président français François Hollande et le Premier ministre libanais Tammam Salam - Sputnik Afrique
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En tournée au Liban, le président a dû annuler une entrevue avec le Hezbollah, qui tient pourtant une place centrale dans la politique du pays. Malgré les millions d’euros promis, la France semble peiner à se faire entendre.

Le président François Hollande s'est rendu samedi 16 avril au Liban dans le cadre d'une tournée au Moyen-Orient, qui s'est poursuivie en Égypte et en Jordanie. Il a notamment visité un camp de réfugiés tout près de la frontière syrienne, point de passage obligé quand on sait que le Liban a accueilli près de 1,1 million de réfugiés venus de Syrie.

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Cette visite devait permettre à M. Hollande de rencontrer les différentes factions politiques du pays du Cèdre, mais le Hezbollah, qui occupe une place centrale sur l'échiquier politique libanais, a annulé sa rencontre avec le locataire de l'Élysée. En cause, les "conflits" entre le groupe chiite et la communauté internationale, notamment les pays sunnites de la région et la proximité supposée de la France avec les pétromonarchies.

Ainsi, l'Arabie Saoudite a-t-elle suspendu ses contrats de vente d'armes à Beyrouth — signés en coopération avec la France —, pour cause de désaccord profond avec le Hezbollah, accusé par Ryad de noyauter le pouvoir libanais. La France s'est démarquée de cette décision en promettant une aide militaire et financière de 100 millions d'euros.

Pour autant, les critiques ne manquent pas à propos de la politique actuelle française dans le pays du Cèdre, comme l'explique Jacques Myard, député républicain à l'Assemblée nationale, de retour d'un déplacement de 5 jours au Liban, où il a rencontré des représentants de tous bords politiques (pro ou anti-Aoun) et religieux (chiites, sunnites, chrétiens et druzes).

Le mode de gouvernement du Liban est mis en péril par la politique régionale, selon lui. Le modèle doit être maintenu, mais il faut constater les dégâts créés par les tensions irano-saoudiennes. Jacques Myard plaide pour nouvelle politique française, forte, équilibrée entre l'Arabie Saoudite et l'Iran.​

"La France doit revenir dans le jeu, de manière à ce qu'elle puisse peser non seulement sur la crise syrienne (où malheureusement nous avons rompu les relations diplomatiques avec Damas) (…) nous devons défendre le système qui règne au Liban, menacé par les tensions entre les puissances régionales."

Un point de vue que partage Antoine Sfeir, journaliste et politologue français.

"Avant d'avoir une politique, il faudrait avoir une vision, et pour le moment, la France n'en a pas. La preuve est ce voyage du chef de l'État au cours duquel Hollande n'a pas voulu réitérer l'erreur de rencontrer des parlementaires, parmi lesquels se trouvent des membres du Hezbollah. La visite au Liban s'est limitée à une visite financière; il a promis 50 millions, puis 100 millions sur deux autres années; cela ne va pas très loin."

Le président Hollande a été boudé par le principal parti chiite. Quelle est la place du Hezbollah au sein de la société libanaise? Durant son sommet à Istanbul, l'Organisation de la coopération islamique (OCI) (sommet auquel s'est rendu le Premier ministre libanais Tammam Salam) a qualifié les actions du groupe chiite de "terroristes, s'immisçant dans les affaires du Yémen, du Liban de la Syrie et du Bahreïn". L'implication de l'Iran dans la souveraineté d'autres pays a été tout autant dénoncée.

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Jacques Myard: "Le Hezbollah a des représentants au parlement libanais; ce parti est devenu très responsable dans le cadre des relations libano-israéliennes, dans le Sud Liban sous le contrôle de la FINUL; on ne peut pas voir dans le Hezbollah que des terroristes. Le général Aoun agit avec le Hezbollah, or, c'est un des chefs charismatiques des chrétiens. Il ne faut donc pas aller avec des a priori en se disant +là il y a des terroristes et là des démocrates+. Et c'est le problème de ce genre d'excommunication effectuée par des puissances étrangères qui sème le trouble."

Face aux conflits interreligieux du pays, aucun gouvernement libanais n'a été capable, jusqu'ici, de créer une cohésion nationale. Le Liban est une mosaïque, mais peut — elle disposer d'un vrai médiateur qui permettrait de stabiliser le pays, au sein d'une région déchirée?​

Jacques Myard: "Le médiateur, c'est les Libanais eux-mêmes; il faut tenir un langage de fermeté à l'ensemble des Libanais en leur disant que c'est à eux de choisir. Les médiations extérieures, c'est ce qui est dangereux, car c'est ce qui va accroître les tensions, compte tenu de celles qui existent entre l'Arabie Saoudite et l'Iran."

Antoine Sfeir: "Les Libanais n'ont pas besoin d'un médiateur pour le moment, dans la mesure où il y a plusieurs conflits, pas un seul. Il y a aussi un attentisme de la part des chrétiens, qui ne veulent pas avoir un président pour le moment, dont les pouvoirs ont été reniés en faveur du chef du gouvernement.

Les gens ressentent le besoin d'un arbitre, et le président, avec les pouvoirs actuels, ne peut pas l'être. Voilà pourquoi il n'y a pas de président depuis presque un an.

Le seul médiateur étranger ne peut être que l'ONU, qui ne s'en est pas mêlée jusqu'à maintenant, ou alors, à condition qu'il y ait une vision, la France."

La Russie pourrait-elle servir d'intermédiaire? Elle dispose de son statut de protectrice des chrétiens d'orient, et a normalisé ses relations avec la plupart des pays du Moyen-Orient, sans compter son aide militaire apportée à la Syrie.

Antoine Sfeir: "Non, pas sur le plan interne. Elle se considère comme protectrice des chrétiens en orient, et donc aussi de ceux du Liban. Elle ne jouera pas un rôle; elle laissera les acteurs régionaux jouer un rôle au Liban, plutôt que de risquer d'entrer en conflit avec l'Iran."

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Selon M. Myard, le Liban ne pourra retrouver son unité nationale tant qu'il restera soumis aux conflits régionaux par factions locales interposées. Le Hezbollah, qui joue le jeu de Téhéran et les formations fidèles au clan Hariri, proches des pétromonarchies, sans compter les factions chrétiennes, empêchent toute solution politique et toute réconciliation nationale.

Symbole fort de cette réconciliation introuvable, la création d'une armée nationale libanaise doit passer par le désarmement des milices. Un refrain que l'on fredonne depuis plus de trente ans au pays du Cèdre. Quel médiateur sera capable de le faire entendre aux Libanais et à ses puissants voisins?

Certainement pas pour l'instant le locataire de l'Elysée.

Les opinions exprimées dans ce contenu n'engagent que la responsabilité de l'auteur.

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