Ridicule, dira-t-on, ces moujiks dépensant 10 ou 360 fois moins que les Américains et leur frénétique planche à billets…
Et pourtant, comparez: les Russes ont repris la Crimée sans coup férir et sans tuer personne. Les Russes neutralisent les terroristes modérés et humanistes de Syrie (que fichent les Américains à Mossoul depuis quinze ans?). Les Russes avaient aussi maté la Géorgie et le tchétchènes dans des conditions ici dures, mais qui avaient fait comprendre à Emmanuel Todd qu'en Russie on restait dans l'Histoire et dans la géographie. Zombie sous le communisme, la Russie renait sous la forme présente qui reste incompréhensible aux démocraties-croupions. De Gaulle vaticinait qu'elle boirait le communisme comme le buvard boit l'encre.
Le Prix Nobel Obama a décrété la Russie puissance régionale. A l'insulte vaine ce mal élevé ajoute l'ignorance. Quid de l'Arctique et de la domination russe là-haut? Quid de Vladivostok et de la flotte russe du Pacifique? Qui du Moyen-Orient avec l'alliance Iran-Turquie-Russie? Quid de la soudaine politesse du pack israélo-saoudien? Quid du pacte de Shanghai et de la route de la soie? On a beau entasser des tanks en Pologne (ce pays de nulle part, écrit Jarry au début d'Ubu!), tanks inadaptés qui seront balayés au premier coup de missile, on n'aura réussi à montrer qu'un phénomène: la Russie est partout et la Russie contrôle parfaitement son île-monde. Le directeur d'école McKinder s'en retourne dans sa tombe.
Les Américains peuvent pleurnicher et redemander un supplément de crédit, car leur guerre est un racket a dit le fameux général Smedley Butler, racket bien organisé par le Pentagone, les généraux recyclés dans le lobby militaro-industrie, les opérations torchon de la CIA et la félonie ubuesque de vampiriques opérateurs de software mués en aspirateurs à dollars. Le maniérisme yéyé de cette fabrique a été souligné par les opérations ruineuses comme le F-35, le destroyer de classe Zumwalt. Il reste l'aboiement qui laisse froid les russes habitués — mais qui énerve les chinois. Or ce n'était pas le moment.
Ce crédo dans le dollar et la technologie a liquidé la puissance américaine comme il a liquidé son cinéma. Ridley Scott dénonçait hier la nullité de la culture idiot-visuelle basée sur les produits Marvel ou DC Comics, ou des films coproduits par la CIA ou le Pentagone.
L'article évoqué citait les Afghans: « Et comme je l'ai déjà dit, dans toutes les interviews que j'ai vues, les Afghans sont unanimes: les Soviétiques étaient des ennemis beaucoup plus coriaces que les Américains. »
On comprend la déclaration inattendue de Vladimir Poutine:
« Poutine lui-même l'a dit récemment lorsqu'il a déclaré que « nous pouvons le dire avec certitude: nous sommes maintenant plus forts que tout agresseur potentiel, quel qu'il soit! » Je réalise que pour la plus grande partie du public américain, cela sonne comme le baratin typique que tout officier ou politicien étasunien doit dire à chaque occasion publique, mais dans le contexte russe, c'est assez nouveau: Poutine n'avait jamais dit quelque chose de semblable auparavant ».
On rajoutera à propos des gadgets US:
« Le MiG-29 russe (1982) n'avait pas de « commande de vol électrique » comme le F-16 américain (1978) mais pratiquait de « vieux » contrôles mécaniques du vol pour de bonnes raisons. J'ajouterai qu'un fuselage plus sophistiqué et deux moteurs au lieu d'un pour le F-16 ont donné au MiG-29 un domaine de vol supérieur. En cas de besoin, cependant, les Russes ont utilisé des commandes de vol électrique, par exemple sur le Su-27 (1985).
Enfin, les forces nucléaires russes sont actuellement plus modernes et beaucoup plus performantes que la triade nucléaire américaine, vieillissante en comparaison. Même les Américains l'admettent. »
Pour le général de Gaulle, fatigué par l'intelligence et par la marine anglo-saxonnes, la Russie est la puissance qui fait sérieusement la guerre:
« Au fond de tout, il y a ceci que les Anglo-Saxons en général, surtout les Américains, voudraient, certes, gagner la guerre, mais qu'ils ne se décident pas à la faire à fond, c'est-à-dire à assumer entièrement les risques et dangers qu'elle comporte.
La Russie, au contraire, fait la guerre sans restrictions. C'est pourquoi, nous sommes actuellement plus près d'elle que d'aucune autre puissance et j'espère que nous le montrerons bientôt par actes diplomatiques et, même, militaires (Mémoires, I, p.506). »
On ne distingue plus bien les buts de guerre chez les Américains. Nourris des sornettes néo-bibliques des néocons ou de Games of Thrones (voyez l'article de Finian Cunningham), nos ludions belliqueux négligent le Clausewitz. Un autre analyste remarquait que les Russes ne les trouvent pas sérieux…
L'Europe elle se libérera du chaperon américain, ou bien elle en crèvera; et comme disait mon ami Vladimir Volkoff, ce sera scientifique et juste.
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Bibliographie
Lesakerfrancophone.fr, 18 janvier 2017
Jean Baudrillard — Simulacres et simulation (Galilée)
Bonnal — Lettre ouverte à la vieille race blanche (Michel de Maule) — Internet nouvelle voie initiatique (Avatar)
Clausewitz — De la Guerre (relisez III et VIII)
Général de Gaulle — Mémoires de Guerre, Plon
Smedley Butler — War is a racket
Todd — Après l'empire (Gallimard)
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