Il est l'une des personnalités les plus honnies de la politique française contemporaine et peut être ainsi l'une des plus fascinantes. Il fut l'une des causes premières de la victoire de Nicolas Sarkozy en 2007, et l'on ne peut s'empêcher de penser que son absence fut celle des défaites de 2012 et 2016 de l'ancien président.
Alors pour en savoir davantage sur ce personnage très mystérieux et pour en finir avec les fantasmes, nous avons reçu en studio François Bousquet, rédacteur en chef en second de la revue Éléments, qui vient de publier une biographie de ce « conseiller du prince et prince des conseillers »: La droite buissonnière, aux éditions du Rocher. Cet ouvrage n'est pas qu'une biographie, c'est aussi un portrait de la droite française contemporaine, car il fait de Buisson un personnage central de cette dernière.
Regardez l'intégralité de l'entretien :
Extraits :
Buisson, une anomalie
« Au regard du pays légal, [Patrick Buisson] a un certain passif. Il a été Algérie française, a dirigé la rédaction de Minute, celle de Valeurs Actuelles, fait les campagnes de Philippe de Villiers entre 1993 et 1995. Rien n'indiquait que ce parcours, guidé par une éthique de conviction, permette à Buisson d'entrer dans la cité interdite, à l'Élysée. C'est une anomalie au regard de la production des élites françaises, caractérisée par la loi de l'endogamie ou de la consanguinité idéologique où le même coopte le même. Vous avez remarqué que des gens comme Éric Zemmour, Michel Houellebecq, Alain Soral, Alain Finkielkraut et d'autres, comme Robert Ménard, ont d'abord été des acteurs du système et c'est au sein du fichier central système qu'ils ont opéré leur dissidence. Buisson, c'est tout l'inverse. D'ordinaire, les portes sont toujours fermées pour ce genre de personnage… »
Désigner le totem
« Si l'on doit résumer en un mot la ligne Buisson, c'est qu'il a fait voler en éclats les interdits (…) La question essentielle est celle du fond, de la doctrine. Carl Schmitt dit "est souverain celui qui décide de la situation d'exception", il fonde la souveraineté là-dessus. En réalité, la souveraineté première est celle qui délimite le champ et le périmètre de l'interdit. Est donc souverain celui qui dit là "est le totem, là est le tabou", "là est le licite, là est l'illicite".
Un dissident
« Il a pu se glisser au sein du pouvoir par son charisme, son magnétisme d'abord intellectuel. C'est une magnifique intelligence, structurée, qui a un pouvoir peu répandu : clarifier le réel, dégager une percée dans le brouillard confus des choses. On peut dire de lui qu'il est un trotskyste. Mais Trotsky définissait plusieurs sortes d'entrismes. Une en particulier, qui est celle de Buisson : celle à drapeau déployé. Buisson n'a rien caché de son passé, il assume tout. Mais il a porté la guerre culturelle à l'intérieur même du pouvoir. »
Le drame de Buisson
Postérité de la ligne Buisson
« La preuve par François Fillon: je ne parle même pas du "Pénélope Gate". Fillon est en train de ramener la droite à son étiage chiraquien, à 20 % — c'était déjà le cas avant les scandales sur les emplois fictifs. L'essentiel, électoralement parlant, c'est le désenclavement sociologique de la droite conservatrice : la droite qui a voté Fillon lors des primaires. Cette droite conservatrice ne peut pas accéder au pouvoir, elle est numériquement insuffisamment puissante. La ligne Buisson, c'est un désenclavement sociologique entre la droite conservatrice et la droite populiste. Je ne vois pas comment on peut gagner à droite sans cette alliance du régalien et du populaire, des conservateurs et des populistes. C'est ça en première analyse, pour le seul versant de stratégie électorale, la dimension centrale de la ligne Buisson. »
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