« Ce résultat surprenant dément ma propre théorie selon laquelle les personnes complètement paralysées et ayant contracté le syndrome de verrouillage sont incapables de communiquer avec le monde extérieur. Nos expériences ont montré que les quatre volontaires pouvaient répondre à des questions personnelles que nous avions posées grâce au pouvoir de la pensée. Si nous arrivions à reproduire ces résultats, nous serions en mesure de rendre la parole aux gens souffrant d'un dysfonctionnement des neurones moteurs », explique Niels Bierbaumer de l'Université de Tübingen.
Au plus profond de soi
Les symptômes du syndrome de verrouillage s'assimilent à l'état du corps et du cerveau des personnes en état végétatif et de coma. C'est pourquoi de nombreux neurophysiologistes, y compris Niels Bierbaumer, estimaient jusqu'à présent que les personnes paralysées étaient en principe incapables de penser, de fixer des objectifs et de les atteindre.
Lors de ces expériences avec quatre volontaires au dernier stade du syndrome, Bierbaumer et ses collègues ont tenté de comprendre s'il était possible d'établir une communication avec eux à l'aide de puces neurologiques et d'interfaces cerveau-ordinateur, c'est-à-dire des systèmes capables de capter des signaux cérébraux et de les transformer en langage compréhensible pour l'ordinateur.
Les chercheurs ont utilisé deux appareils: un tomographe à résonance magnétique qui surveillait le travail de secteurs différents du cortex et des couches profondes du cerveau, et un spectroscope infrarouge — un outil scientifique relativement récent permettant d'établir le niveau d'activité de certains groupes de neurones en fonction des volumes d'oxygène absorbés.
La lumière au bout du tunnel
Il y a quelques années, un autre groupe de scientifiques avait établi grâce à des observations du fonctionnement du cerveau des gens sains que des réponses à des questions simples se traduisaient par des changements prévisibles de la concentration d'hémoglobine: une réponse affirmative se soldait par son augmentation, alors que son niveau restait le même voire diminuait après une réponse négative. Cette idée a permis aux chercheurs de créer un logiciel traduisant ces signaux en réponses « oui » ou « non ».
Les résultats des tests de ce système, en réalité assez peu compliqué, ont dépassé toutes les espérances des scientifiques: les quatre personnes paralysées qui ont pris part à l'expérience avec le consentement de leurs tuteurs identifiaient en général correctement leur femme ou mari ainsi que d'autres parents, et répondaient à des questions sur leur vie personnelle. Un homme a même interdit à sa fille de se marier à son petit ami Mario.
Les scientifiques ont été surtout surpris par le fait que les participants étaient en général contents de poursuivre leur existence, bien que certains d'entre eux ne pouvaient plus respirer que grâce à des respirateurs artificiels.
Selon Niels Bierbaumer, avoir prouvé que même des personnes dans cet état « verrouillé » ont toujours l'envie de vivre et de communiquer accélérera de nouvelles recherches dans ce domaine et se soldera par le développement de synthétiseurs de parole à part entière et d'appareils qui permettront à ces patients de se déplacer eux-mêmes.