Dans une lettre ouverte au Président François Hollande, publiée sur son profil Facebook dimanche 22 janvier, Pierre le Corf s'est adressé à tous ceux qui veulent « se lever contre la guerre en Syrie, se lever pour la paix ». Une lettre également destinée aux élus de la République, ainsi qu'aux candidats à l'élection présidentielle, « à toute personne sensible » au sort des syriens et à même d'apporter sa « goutte d'eau », afin de faire de la paix et de la population civile, « une priorité ».
Pierre le Corf présente ainsi sa lettre au Président de la République comme une « bouteille à la mer » face à un discours médiatique qu'il estime particulièrement unilatéral dans le traitement du conflit syrien. Un discours médiatique devenu obstacle à l'arrêt du conflit, tant il fait aujourd'hui l'objet d'une doxa. Une doxa si omniprésente qu'elle pourrait fortement contraindre le discours des hommes politiques en cette période préélectorale. Un discours, sur une question cruciale tant sur le plan politique internationale qu'humanitaire, que le jeune Vannetais souhaiterait bien au contraire voir libérer:
« Aujourd'hui, il y a une réalité sur le terrain: la guerre a tué énormément de gens, les sanctions qui ont été votées notamment par la France étouffent les gens qui vivent ici. Le problème est que toute personne qui adopterait une position qui pourrait encourager la paix, la "libération" des Syriens de ces sanctions, lui empêcherait toute réussite, tout succès. »
Il regrette l'« offensive médiatique, politique » menée par son pays depuis des années, afin « légitimer la guerre en Syrie ». Une offensive dont la première victime est la « réalité du terrain », « effacée », gommée par ce discours, cette vision unilatérale présentée par les médias français. Soit, d'une certaine manière, le regret de voir disparaitre ce qui fut jadis présenté comme un contre-pouvoir au profit de l'émergence d'un outil étatique.
Dans sa lettre, Pierre le Corf entend rendre compte de ce dont il a été témoin à tous ceux qui liront sa lettre. Comme il le souligne, « tout ce que j'avance, je suis à même de le documenter ». Un rééquilibrage qu'il juge aujourd'hui plus que nécessaire.
« Si on ne transmet pas cette réalité, on ne fait finalement que véhiculer la guerre. On ne fait que véhiculer la mort et les gens sont condamnés à rester sous cette guerre et ces sanctions. »
Depuis la reprise d'Alep, les cris d'orfraie des journalistes et des politiques qui criaient au « crime de guerre » ou au « génocide », témoignages de militants à l'appui, se sont tus. Sur nos écrans, un silence de plomb est tombé sur Alep qui a disparu du jour au lendemain des Une des JT. Depuis, plusieurs journalistes ont commencé à émettre des critiques à l'égard de l'impartialité des médias français dans leur couverture des évènements à Alep.
Ainsi, dans un reportage, tourné durant les derniers jours de l'évacuation des quartiers d'Alep Est (du 15 au 20 décembre), Régis Le Sommier, journaliste pour Paris Match, constatait que la réalité du terrain ne rimait pas toujours avec les déclarations occidentales. On voit notamment un habitant du quartier d'Hanano, dans le nord-est de la deuxième ville syrienne, qui remercie les avions russes et déclare, concernant les « rebelles », dont il peut dire certains sont cachés parmi les civils et profitent de la distribution d'aide humanitaire « je les tuerais si je le pouvais ».
Peu après, le 21 décembre, sur LCI, face à Eric Denécé, le directeur du Centre français de recherche sur le renseignement (CF2R), Yves Calvi demande «on se fait rouler dans la farine avec Alep?» Quant à Jean-François Khan, journaliste et fondateur de Marianne, il a publié le 3 janvier une tribune intitulée « Syrie, une victime de plus: la crédibilité médiatique » où il s'interroge sur la tendance des journalistes français à prendre parti pour les « rebelles » face au pouvoir en place. Par la suite, il appellera à la création d'une commission d'enquête indépendante.
Pierre le Corf « un fervent catholique », qui « n'est pas tendre avec les insurgés qu'il qualifie de "terroristes", vocable repris systématiquement par le pouvoir syrien » expliquait France 2 en octobre dernier. Des journalistes qui lui expliquaient en substance qu'il ne pouvait pas comprendre Alep-Est, puisqu'il était à Alep-Ouest. Des reproches d'autant plus incongrus que les journalistes français les plus proches d'Alep se trouvaient alors… à Beyrouth.
Des critiques d'autant plus dures que parallèlement, des protagonistes de la destruction d'Alep étaient quant à eux ovationnés au palais Bourbon et reçus sous les ors de l'Élysée. On pense notamment aux fameux Casques Blancs, ces « héros » pour reprendre le vocable des médias qui ne tarissaient pas d'éloges les concernant. « Héros » dont on connaît par ailleurs les liens très étroits avec les djihadistes et le goût pour la mise en scène plus que pour le sauvetage de tous les civils.
Aujourd'hui, sans prétention, voulant transmettre ce dont il a été témoin, il nous invite à « prendre du recul sur la situation », un conflit dont on ne nous a montré que « 10 % ». S'il ne remet pas en cause l'existence des bombardements syriens et russes sur les quartiers Est d'Alep, il se désole de la couverture médiatique tronquée. Une lettre qui interpelle. « Je ne sais pas pour vous, mais on n'a jamais cherché à me consulter, on a continuellement cherché à me persuader ».
Au-delà de cet appel, ce nouveau témoignage de Pierre le Corf est l'occasion de faire un constat: si les armes se sont tues à Alep-Est après l'évacuation des combattants par les fameux bus verts, ces mêmes « rebelles » évacués vers Idlib reviennent vers Alep, qu'ils bombardent à nouveau… dans l'indifférence médiatique presque générale.