Pierre Le Corf: les témoignages biaisés ont légitimé la guerre au quotidien

© AFP 2024 George OURFALIANAlep
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Samedi dernier, Pierre Le Corf, fondateur de l’ONG WeAreSuperheroes et l’un des rares humanitaires européens sur le terrain à Alep, a violemment critiqué le traitement du conflit syrien dans l’émission de Yann Barthès, Quotidien, diffusée sur TF1 et TMC.

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Que connaissent les Français sur la situation à Alep-Est ? En gros, l'image qui leur a été véhiculée par un nombre bien restreint de personnes dont, Ismaël al-Abdullah, ce volontaire, membre des Casques blancs (White Helmet) de 29 ans, qui dénonce ces derniers mois les massacres et le génocide « orchestrés » par le gouvernement syrien, encourageant, même si indirectement, le maintien d'Alep-Est sous le contrôle des extrémistes. C'est à cette personne que l'émission Quotidien avec Yann Barthès prête continuellement la parole.

Dans un entretien vidéo à Sputnik, Pierre Le Corf, le seul Français vivant à Alep-Ouest depuis des mois, explique qu'en transmettant les témoignages d'une personne comme Ismaël, personne qui défend ouvertement la cause de la révolution, les médias soit orientent volontairement l'opinion, soit font une erreur.

« J'ai critiqué, du moins dénoncé Ismaël comme d'autres représentants d'Alep-Est à travers les médias puisque finalement il n'y a pas plus de cinq personnes qui ont été utilisées pour transmettre ce qu'ils voient, à savoir que ça n'a jamais été des civils normaux, ça a toujours été des terroristes, soit des partisans, soit des journalistes qui travaillent avec des groupes terroristes. J'y ai dénoncé un vrai problème d'éthique dans un sens où cet Ismaël (…) le voyais apparaître à tous les coins de Facebook et à tous les coins des réseaux sociaux alors que j'étais ici avec les bombes qui tombaient ici », a-t-il déclaré.

On ne peut pas décrédibiliser le fait qu'ils décrivent qu'il y a la guerre, qu'il y a des gens qui meurent. Toutefois, la parole n'est pas prêtée aux civils qui vivent cette guerre, mais à Ismaël en particulier, à cette personne qui « apparaît sur les réseaux sociaux aux côtés des partisans et des terroristes, cette personne qui ne parle au travers de ses témoignages que des génocides, des massacres, qui entend une explosion et dit dans les deux secondes que c'est un baril qui est tombé ».

Pour Pierre Le Corf, qui connaît la situation de près, c'est une grosse faute. « J'ai publié (sur ma page Facebook, ndlr) une photo de cet Ismaël qui apparaît avec un dragunov, qui est un fusil sniper, aux côtés des terroristes. Le fait qu'il apparaisse devant un drapeau de trois étoiles, le fait qu'il apparaisse dans les locaux qui sont recouverts de tous les côtés de drapeaux de Jabhat al-Nosra (Front al-Nosra, ndlr), pour moi c'est une erreur », indique-t-il.

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Certes, on peut méconnaître la situation et ne pas comprendre cette guerre compliquée, de sorte qu'on se sente sensibiliser par une personne comme Ismaël. Toutefois, assure-t-il, à un moment donné on doit réaliser qu'il y a un problème dans son témoignage — lorsqu'il assure par exemple qu'il n'y a pas de nourriture à Alep-Est et puis on découvre des tonnes de colis alimentaires humanitaires qui étaient réservés aux terroristes — et qu'on a centralisé l'attention sur lui.

« Soit on a orienté volontairement l'opinion, soit on a fait une erreur », résume-t-il.

D'ailleurs, tout ce qu'il raconte c'est qu'il y a un massacre et un génocide, il ne témoigne même pas, mais fait de la propagande antigouvernementale.

« Il faut faire la différence entre le témoignage de cet homme et la cause qu'il défend. Il la défend ouvertement à travers les réseaux sociaux, il défend la cause de la révolution et la révolution aujourd'hui n'a rien à voir avec le mouvement citoyen. La révolution et le drapeau avec lequel il apparaît c'est le drapeau de l'Armée libre. Et le drapeau de l'armée libre on le connaît bien », indique-t-il.

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Pierre Le Corf, qui publie régulièrement sur les réseaux sociaux des témoignages de dizaines d'habitants de cette ville syrienne, explique qu'il aurait bien voulu voir des médias reprendre des témoignages de civils, mais ils ne les ont jamais montrés. « Il y a une raison. Cette raison, soit ils ne la connaissent pas, soit ils la cachent », explique-t-il.

Sans oublier de mentionner des enfants comme Bana qui sont instrumentalisés.

« Les gens de l'autre côté ont souffert de ça. À cause de ces témoignages, on a maintenu la guerre, on a légitimé cette guerre au quotidien et on a permis non seulement aux avions de pouvoir continuer à bombarder et aux civils de pouvoir continuer à recevoir la mort », a-t-il conclu.

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