La guerre par la soif. Moins bruyante et sanglante que les tirs de snipers et les bombardements, la guerre par l'eau peut aussi être redoutable. Actuellement, les 5.5 millions d'habitants de Damas et des alentours pâtissent de la pénurie d'eau.
Ceux qui ont pris le contrôle des sources d'approvisionnement l'ont bien compris: depuis deux semaines, les coupures d'eau sont régulières. Pire, l'eau aurait été contaminée au diesel. Dans n'importe quel hôpital, il y a au moins 20 à 30 cas d'intoxication tous les jours, explique Docteur Elias Lahham, chef du service de chirurgie à l'hôpital français de Damas:
« Ca fait à peu près 15 jours que Damas est privé d'eau potable. Vous avez de l'eau courante pendant deux heures, tous les quatre à cinq jours, dans chaque quartier. Il y a une véritable pénurie, très sévère. Ce n'est pas une question de déshydratation, mais d'intoxication. Heureusement que ce n'est pas l'été. Le problème, c'est que l'eau que l'on trouve peut-être très polluée. Alors nous avons beaucoup de cas d'intoxication alimentaire ou d'eau potable qui n'est pas pure, qui n'est pas valable pour l'utilisation humaine. »
Chaque camp se renvoie la responsabilité. Le 23 décembre, Damas accusait les rebelles d'avoir répandu du diesel dans l'eau, les forçant à couper ces sources d'approvisionnement. Les rebelles eux, affirment que ce sont les bombardements de Damas qui ont détruit l'infrastructure qui abrite la source d'Al Fijeh.
L'ONU confirme que « les sources ont clairement été visées », sans pouvoir affirmer qui est derrière cet acte. A Genève, Jan Egeland, chef du groupe de travail de l'ONU sur l'aide humanitaire en Syrie, appelle à une enquête. Il juge toutefois difficile de savoir quel camp est responsable de cette situation et n'exclut pas, en plus des bombardements, la possibilité d'un «sabotage». Mais en l'absence de couverture à Wadi Barada, comment savoir? Pour le Docteur Elias Lahham, cela ne fait aucun doute:
Ceux qui possèdent la main forte sur la source principale, c'est Al-Nosra. C'est le front Al-Nosra qui contrôle la source principale de Damas. D'ailleurs, ils l'ont annoncé: ils ont sorti un communiqué, comme quoi ce sont eux qui contrôlent la source principale. »
Wadi Barada est encerclée par les forces d'Assad et son allié le Hezbollah depuis mi-2015. L'étau se resserre autour des rebelles, depuis fin décembre: l'eau est littéralement prise en otage.
Selon le quotidien Le Temps, « un rebelle sur place indiquait que les insurgés avaient miné les tunnels acheminant l'eau vers Damas. Il menaçait de les faire sauter au cas où l'enclave serait sur le point de tomber ». Rien n'indique que ce plan ait été mis en œuvre.
Mais qui est vraiment présent à Wadi Barada? Le 2 janvier, des organisations civiles, ont publié un communiqué. Elles garantissent aux équipes de la Croix-Rouge et de l'ONU un accès à la source d'Al Fijeh pour rétablir un approvisionnement en eau… cette même source qui serait probablement tenue par Al-Nosra. Les organisations citoyennes listent néanmoins une série de conditions: l'arrêt des bombardements, la fin du siège et le déploiement d'observateurs internationaux pour s'assurer du bon déroulement des opérations. Parmi les organisations signataires du communiqué et capables de faire lever le blocus de l'eau, on retrouve les Casques Blancs, financés notamment par Londres et Washington. Si ces organisations « civiles » ont le pouvoir d'arrêter le blocus de l'eau, ne sont-elles pas alors complices ou de mèches avec ceux qui l'organise?
#وادي_بردى #Wadi_barada
— وادي بردى (@w_barada) 2 janvier 2017
Important statement from the civil events & service institutions & civil society organizations in #WadiBarada pic.twitter.com/5nEQOUMmKr
Les opinions exprimées dans ce contenu n'engagent que la responsabilité de l'auteur.