Il y a 20 ans, j'ai démissionné de mon poste de président soviétique. Nous n'avions pas réussi à conserver l'Union. Affaiblie par les attaques des putschistes réactionnaires et des forces nationalistes radicales, elle a cessé d'exister. Aujourd'hui, notamment ces derniers jours, on entend beaucoup de spéculations et de supputations malhonnêtes à ce sujet. Mais je suis certain que la majorité veut sincèrement comprendre ces événements, en identifier les raisons et trouver des réponses relatives non seulement au passé, mais aussi au présent et à l'avenir.
Mais nous ne sommes pas parvenus à résoudre ce problème. Je ne rejette pas ma part de responsabilité mais ma conscience est claire. J'ai protégé l'Union jusqu'au bout par la voie politique.
Est-ce que tout le monde s'est comporté de manière responsable? Non.
Je suis toujours certain qu'il était possible de s'entendre avec la plupart des républiques sur la création d'un État confédératif même après l'adoption de leurs déclarations d'indépendance et de souveraineté suite au putsch. Les négociations étaient difficiles mais on avait rédigé un projet d'accord.
Nous avons alors reçu une nouvelle frappe inattendue. Je rappelle que les accords de Belaveja ont été soutenus par la majorité des députés du Conseil suprême de la Russie, y compris par les communistes qui dénoncent actuellement plus haut que les autres les conséquences catastrophiques de la dissolution de l'Union.
Cela nous mène à une conclusion importante: les affaires qui touchent au destin du pays ne tolèrent pas l'irresponsabilité, le populisme et la démagogie pathétique.
Une autre illusion fut de croire que la Russie aurait le même poids que l'URSS au niveau international. C'était objectivement impossible. Qui plus est, le pays était affaibli par l'échec des réformes "radicales". C'était mauvais pour la Russie et pour le monde entier.
L'ordre mondial a perdu l'axe autour duquel il se structurait. La possibilité d'une coopération d'égal-à-égal abandonnée, le monde occidental et notamment les États-Unis ont ressenti l'euphorie d'une prétendue "victoire dans la guerre froide". Elle aussi s'est avérée être une illusion. On a échoué à créer un monde dominé par un pays ou un groupe de pays. Aujourd'hui, tout le monde le comprend parfaitement.
La fin de l'existence de l'Union soviétique a été un drame majeur. Je l'ai vécue comme une tragédie. Mais je suis certain qu'il ne faut pas réduire les résultats de la Perestroïka à la seule chute de l'Union. Cela serait une erreur historique majeure.
Le pays a pris le chemin de la liberté et de la démocratie. Il était difficile. Plus difficile que nous le pensions en empruntant ce chemin. Mais ce mouvement, j'en suis sûr, est irréversible.
Cela concerne aussi les affaires internationales: on a réussi en seulement quelques années à mettre fin à la Guerre froide, à normaliser les relations avec les États-Unis, l'Europe et la Chine, et à régler plusieurs conflits régionaux.
Sans oublier la réunification pacifique de l'Allemagne, les changements en Europe centrale et de l'est, le retrait des troupes d'Afghanistan — tout cela résulte de la Perestroïka.
Enfin, il faut souligner également la fin de la course aux armements nucléaires. Les accords signés à cette époque ont permis de réduire le volume d'armes nucléaires dans le monde de 80% par rapport à la période de la Guerre froide. Et nous avons le droit d'en être fiers.
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