« Mon expérience de chef de gouvernement s'arrête là »: c'est sobrement que Matteo Renzi a annoncé en direct à la télévision nationale qu'il remettrait lundi sa démission au président de la République. Un geste motivé par le résultat du référendum du dimanche 4 décembre, portant sur la réforme constitutionnelle.
Une réforme, souhaitée par le président social-démocrate du Conseil italien, qui a donc tourné court, le référendum s'étant transformé en plébiscite pour ou contre sa politique. Il faut dire que Matteo Renzi avait fait de cette réforme de la constitution du pays son cheval de bataille lorsqu'il avait pris la tête du Conseil des ministres en février 2014.
Le « non » des Italiens a été massif: si les instituts de sondages s'attendaient à ce que le « non » l'emporte, le créditant hier à la sortie des urnes de 54 à 58 %, ce sont finalement près de 60 % (59,66 %) des électeurs qui rejettent le texte. Un revers d'autant plus incontestable pour Matteo Renzi que la mobilisation n'a pas fait défaut. 57 % de participation estimée à la fermeture des bureaux de vote, ce qui n'est pas si mal pour l'Italie.
Mais si aujourd'hui ce référendum fait couler beaucoup d'encre dans la presse internationale, c'est parce qu'au-delà d'une dimension purement italienne, ce vote pourrait bien être lourd de conséquences pour l'Union européenne. D'ailleurs, le FN n'a pas manqué de saluer une défaite aussi bien du « chouchou de Bruxelles et de la Commission européenne » que de cette dernière, comme le souligne Gaëtan Dussausaye, directeur du Front national de la jeunesse (FNJ):
« C'est finalement une défaite pour Matteo Renzi, mais surtout pour l'Union européenne, car dans cette histoire il n'était que le pantin de Bruxelles, comme il l'a toujours été. »
Un enthousiasme partagé en Italie par son allié du Parlement européen, la Ligue du Nord de Matteo Salvini, qui comme le mouvement 5 étoiles (M5S) de Beppe Grillo, a appelé à la tenue d'élections anticipées. Des élections qui pourraient voir leur position au parlement renfoncée, une manière selon Gaëtan Dussausaye de « transformer l'essai », après le rejet massif par les électeurs italiens de la réforme ainsi que de la politique de leur président du Conseil. À noter que le temps ne joue pas en faveur des partis gouvernementaux italiens. En 2013, le Mouvement 5 étoiles avait remporté un quart des sièges au Sénat et à la Chambre des députés. En 2016, le parti de Beppe Grillo ramassait les villes de Rome et de Turin.
Une réforme bancaire rendue possible par celle de la constitution qui devait réduire drastiquement les pouvoirs du Sénat, porter un coup dur aux régions, dont les prérogatives auraient été limitées, mais aussi supprimer les provinces, équivalent italien des départements français, autant de réformes visant à centraliser une Italie fréquemment jugée ingouvernable.
Une dimension économique que reprend le jeune dirigeant frontiste, qui rappelle la situation des banques italiennes, qui n'auraient selon lui rien à envier aux banques grecques, si ce n'est les remontrances des autorités européennes à ces dernières:
« La dette italienne se rapproche dangereusement de la situation de la dette grecque. Aux dernières nouvelles, elle est à pratiquement 180 % du PIB et finalement tout l'enjeu pour l'Union européenne était de contraindre le gouvernement italien à faire passer la réforme constitutionnelle, en échange d'un traitement plus modéré de la situation économique et bancaire de l'Italie. »
Rappelons simplement que la plus ancienne banque italienne, Monte dei Paschi di Siena, accumule tout de même à elle seule 27,7 milliards d'euros de dettes.
Mais si certains pointent du doigt les risques de déstabilisation de la zone euro, qui pourrait survenir en cas de retrait, à terme, d'une Italie ingouvernable, Gaëtan Dussausaye relativise, rappelant d'autres cas de figure où des rhétoriques similaires avaient été développées:
« Malheureusement, c'est toujours le refrain qu'on entend quand le système est désavoué et quand le peuple décide de ne pas aller dans le sens du système, tout de suite on nous dit que ça va être l'apocalypse, la catastrophe, qu'on va avoir des tempêtes de sauterelles […] Il faut être sérieux, on nous faisait exactement le même diagnostic concernant une sortie du Royaume-Uni de l'UE, en réalité il n'en est rien. »
Si certains se demandent encore si un sentiment eurosceptique grandirait en Italie, en novembre, Matteo Renzi, lui, avait senti le vent tourner. Le 14 novembre dernier, il s'était adressé directement aux électeurs des partis eurosceptiques; aucun drapeau européen n'apparaissait derrière lui. Pas suffisant, visiblement.
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