Une décision saluée par les opposants à la sortie de la Grande-Bretagne de l'UE, qui espèrent voir les parlementaires bloquer la procédure de divorce entre Londres et Bruxelles. L'équipe de Theresa May a fait appel.
Le peuple a voté, mais apparemment cela ne suffit pas pour les opposants au Brexit, pour qui « les gens ont été trompés » à en croire la femme d'affaires Gina Miller. Elle vient d'ailleurs de remporter une petite victoire. Jeudi 3 novembre, les trois magistrats de la Haute Cour de justice de Londres ont statué: le Parlement devra donner son accord pour activer l'article 50 du traité de Lisbonne, qui permet d'ouvrir les négociations de divorce entre Londres et Bruxelles.
Suite à cette annonce, les spéculations sur un report du Brexit, voire de son annulation pure et simple, vont bon train sur la toile. Pourtant, cette décision de la Cour était attendue au Parlement britannique, comme le relate le sénateur UDI de Paris Yves Pozzo di Borgo, membre de la commission Brexit du Sénat, qui a rencontré la semaine dernière ses homologues de la chambre des Lords:
« Tout le monde sait que la Haute Cour a dit que c'est au Parlement de décider, mais la réponse de beaucoup de nos amis parlementaires anglais, à qui on a posé la question, disent: "même si le Parlement a l'autorité, comme il y a eu un référendum, le peuple a parlé, nous sommes obligés de suivre la décision du peuple", mais on verra bien si c'est le cas… »
Mais pour le moment, la victoire des partisans du « Remain » est purement symbolique, l'arrêt de la Haute Cour restant à confirmer par la Cour suprême. De plus, l'hypothèse de législatives anticipées est évoquée comme issue de secours à un blocage parlementaire du Brexit. Dans ce cas de figure, bien malin qui pourra dire si les parlementaires qui avaient fait campagne pour le « Remain » seraient renouvelés.
Selon John Laughland, directeur d'Études à l'Institut de la Démocratie et de la Coopération (Paris), il fait peu de doute qu'à l'issue d'élections anticipées, la majorité conservatrice au Parlement serait renforcée. Pour lui, la « grande faute politique » de Theresa May a été de ne pas provoquer ces élections plus tôt, immédiatement après le vote favorable au Brexit qui l'avait propulsée au 10, Downing Street:
« Le fait de ne pas avoir "pillé dans les maisons qui brûlent" comme on dit, c'est-à-dire de ne pas avoir exploité sa situation, alors qu'elle jouissait d'une Lune de miel, comme c'est souvent le cas avec un nouveau Premier ministre. Donc elle avait une certaine popularité, elle aurait très bien pu remporter une élection décisive, avec une majorité renforcée. […] Son hésitation, son refus de provoquer des élections et le fait de dire qu'elle n'allait pas déclencher l'article 50 avant mars 2017 a donné à ses ennemis et à ceux du Brexit le temps de se regrouper. »
Mais pour John Laughland, même sans ces élections, travaillistes et conservateurs respecteront le vote du peuple, comme ils l'avaient annoncé:
« Une majorité écrasante du Parlement actuel va voter pour le déclenchement de l'article 50, c'est-à-dire pour le Brexit, pour la simple raison que suivant les opinions des uns et des autres, ils sont moralement obligés de respecter le résultat du référendum. »
« Il y aurait maintenant deux possibilités, disent ces gens. Ils disent on pourrait quitter l'Union européenne tout en restant membre du Marché Unique, comme c'est le cas pour la Norvège par exemple. Alors que pendant la campagne du référendum, personne n'a évoqué cette possibilité. »
Côté médias, si la presse française souligne cette décision et le fait que les réseaux sociaux porteraient aux nues Gina Miller, la couverture britannique des événements est plus… contrastée. Si The Guardian demeure sobre sur la décision des juges, The Telegraph évoque quant à lui un « complot pour stopper le Brexit », le Daily Mail parle même d'« Ennemis du peuple », placardant en première page les photos des trois magistrats.
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