Présidence normale pour indignation générale?

© AFP 2023 Kamil Zihnioglu Présidence normale pour indignation générale?
Présidence normale pour indignation générale? - Sputnik Afrique
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« Un président ne devrait pas dire ça ». Un bon titre, au vu de la tempête de réactions que suscite le livre de confidences de Hollande. Lâcheté des juges, footballeurs comparés à des « gosses mal éduqués, confidences sur des assassinats commandités le président parle sans retenue et fait des vagues.

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Les éternels regrets de Hollande, ou la grande partie de yoyo...
Hollande serait-il en train de commettre un suicide politique dans les règles de l'art? Après l'épisode des "sans dents" qui avait fait des vagues en son temps et dont on ne connait toujours par l'épilogue, les nouveaux propos "Off" et offensants du Président de la République ont fait florès dans un livre.

Dans "Un président ne devrait pas dire ça…" aux Éd. Stock, ce recueil de confidences de François Hollande accordées à deux journalistes du Monde au cours de son quinquennat, paru en librairie ce mercredi, on y découvre un François Hollande bien loin de l'image consensuelle que certains pouvaient encore lui prêter.

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Car le moins qu'on puisse dire, c'est que le Président ne mâche pas ses mots. Si sans surprise il tacle son prédécesseur, un Nicolas Sarkozy dépeint "grossier" et "méchant", qu'il décrit comme un "lapin Duracell, toujours en train de s'agiter", sa majorité n'est pas en reste, qu'il s'agisse de ses alliés écologistes qualifiés sobrement de "cyniques" et d'"emmerdeurs" ou des frondeurs du PS, lapidés par son "une agrégation de gens intelligents peut faire une foule idiote".

Mais les critiques du Président ne se sont pas limitées à la seule sphère politique. François Hollande n'a pas été tendre avec les footballeurs professionnels, ces "héros" du ballon rond, dont il demeure par ailleurs un aficionado. Il les dépeint comme des "gosses mal éduqués" à qui il faudrait "muscler les cerveaux". Des propos qui ont provoqué ces derniers jours un tollé d'indignations dans la sphère du foot, mais Vincent Duluc, journaliste sportif à l'Équipe tient à rappeler le contexte dans lequel ces propos ont été tenus:

« Il faut replacer ça dans le calendrier du foot français et des rencontres entre nos confrères et François Hollande. Visiblement ces déclarations ont été faites assez près de l'Euro 2012 et quasiment dans la foulée du traumatisme de la Coupe du Monde 2010. C'était un moment où les footballeurs étaient beaucoup plus rejetés par l'ensemble de la société française qu'ils ne l'ont été par exemple après le dernier Euro. Je ne pense pas que François Hollande aurait dit ça l'été dernier, après l'image qu'a renvoyé l'équipe de France. »

Just Fontaine, ancien grand footballeur français (recordman du nombre de buts en une seule coupe du monde) semble quant à lui — tout comme plusieurs joueurs — prendre le message avec humour:

« C'est sûr qu'il y est allé un peu fort… moi, j'ai été traité de "joueur intelligent", alors ça ne m'intéresse pas… je ne suis pas concerné [rires]. Intelligent, on l'est ou on ne l'est pas, c'est au départ déjà. »

Mais au-delà de la forme, le journaliste de l'Equipe n'approuve pas vraiment le fond de ces propos.

« Sur le fond, je trouve que c'est un amalgame et un à peu près, alors évidemment qu'il y a une partie qui est vraie, mais c'est cette espèce de généralité qui me pose problème, parce que tout n'est pas vrai, parce que le foot est trop nécessaire pour l'équilibre de la société pour balayer comme ça d'un revers de manche tout ce qu'il apporte de positif, notamment dans le vivre ensemble, dans la définition des règles y compris en banlieue. »

Pour rappeler ce fameux contexte dans lequel le Président aurait tenu ces propos. S'il parle de "gars des cités, sans références, sans valeurs, partis trop tôt de la France.", rappelons que nous sommes au moment de l'Euro 2012, où durant un match, Nasri lâchera aux journalistes "vos gueules!". Le tout, deux ans après le spectacle du Mondial en Afrique du Sud, où les joueurs de l'équipe de France s'étaient distingués en improvisant une grève, refusant de descendre de leur car pour aller s'entrainer.

Épisode paroxysmique d'un condensé de péripéties — allant du langage châtié d'Anelka à l'encontre de son sélectionneur ("Va te faire enculer, sale fils de pute", Une de l'Équipe, 19 juin 2010), jusqu'à l'affaire Zahia — qui avait précipité l'équipe nationale dans les tréfonds de l'opinion publique.

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François Hollande ne devait alors certainement pas être le seul à penser cela. Lorsque Hollande lâche "Moralement, ce n'est pas un exemple, Benzema", à l'occasion de l'Euro 2016, nous sommes au moment où Karim Benzema est écarté pour son implication dans l'affaire de chantage dite "de la sex-tape". Il accuse le sélectionneur Didier Deschamps "d'avoir cédé à une partie raciste de la France".

Quant à la Justice, elle en prend aussi pour son grade. À l'occasion de sa célèbre anaphore prononcée le 2 mai, le candidat François Hollande déclarait: "Moi président de la République, je ferai fonctionner la justice de manière indépendante". En 2016, on retrouve dans le livre des confidences de François Hollande Président: une Justice décrite comme "une institution de lâcheté", des déclarations qui n'ont pas vraiment plu à Céline Parisot, Secrétaire Général de l'Union Syndicale des Magistrats (USM):

« Un président ne devrait pas dire ça, l'Union Syndicale des Magistrats a été la première à réagir par un communiqué de presse avant-hier, nous avons rencontré le ministre aujourd'hui, nous ne pouvons que dire notre consternation et on est complètement atterré face au double discours du Président qui jusque-là n'avait jamais tenu de tels propos. »

Indignation également pour Jean de Maillard, juge et responsable au syndicat FO-Magistrats:

« Dans notre constitution, le Président de la République est le garant de l'indépendance de la Justice, de toute façon même s'il ne l'état pas, en tant que chef de l'État il a un certain nombre de devoirs vis-à-vis des institutions et là, on peut le dire, ces propos étaient véritablement indignes. »

Et que ces propos aient été tenus en "Off", auprès de journalistes, qui les rapportent aujourd'hui dans un livre ne change rien à ses yeux:

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« Pour notre part, nous ne considérons pas que ces propos soient tenus en Off, puisqu'à partir du moment où il a des entretiens tout à fait officiels avec des journalistes qui ont la liberté, puisque c'était le contrat de départ de rapporter de tout ce qui a été dit durant ces entretiens, ce ne sont peut-être pas des paroles publiques, mais en tout cas ce sont des paroles officielles. »

Bref, la représentante de l'USM ne décolère pas et ne compte pas en rester là:

« On a rencontré le ministre ce matin, pour demander des excuses du président et pour que le ministre réaffirme son soutien à l'institution judiciaire — ce qu'il s'est engagé à faire — pour le Président il ne s'est pas engagé à obtenir des excuses, mais il transmettra notre demande d'excuses au Président de la République. »

Une demande qui a visiblement été en partie entendue, l'Élysée a publié un communiqué de presse où le Président de la République exprime ses regrets.

Des regrets sur lesquels revient, à chaud, Jean de Maillard:

« Alors il a présenté ses excuses, je crois même que ce ne sont que ses regrets… enfin, nous n'allons pas chipoter, nous allons considérer qu'ils sont sincères. Cela peut clore un incident, mais cela ne règle pas le fond du problème. »

Bref, François Hollande n'en a pas fini avec cette polémique, pour le magistrat les propos du Président:

« Ne font que traduire un sentiment qui est très répandu dans la classe politique, malheureusement, selon lequel les juges — la Justice — auraient un problème à régler avec les politiques. Je crois que c'est beaucoup plus le contraire. Je n'ai jamais rencontré de magistrats dans ma carrière qui m'ait dit qu'il avait des comptes à régler avec le politique, en revanche j'ai rencontré beaucoup de politiques qui m'ont dit le contraire. »

Plus inquiétant, le président semble visiblement peu au fait des règles relatives au secret d'État. Il se confie également à Gérard Davet et Fabrice Lhomme, journalistes, sur les "opérations homo" ("homo" pour "homicides"). Ces individus soupçonnés par la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) et le renseignement militaire d'être "responsables de prises d'otages ou d'actes contre les intérêts français", éliminés hors de tout cadre légal, avec l'aval du chef d'État.

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Ce Hollande qui est «prêt», ou «près», mais à quoi?
Bonhomme, François Hollande reconnaît en avoir ordonné "au moins quatre". Un président de la République en exercice qui confirme l'existence de ces opérations clandestines, une première.

Mais pas une première en ce qui concerne la violation du secret défense pour notre actuel chef des armées. Il est déjà soupçonné d'avoir divulgué des informations classées secret-défense. C'est le Monde qui a eu accès à des infos sur les plans d'attaque de la Syrie en 2013, attaque empêchée par notre grand ami américain… Or, à part quelques officiers supérieurs, personne d'autre que Hollande n'avait accès à ces documents.

L'engouement particulier de François Hollande pour les journalistes ne semble plus à démontrer. Au moment où paraissait le livre des journalistes du Monde, Aude Lancelin, l'ancienne Directrice adjointe de la rédaction de L'Obs, revenait au micro de Jean Jacques Bourdin sur RMC à l'occasion de la parution de son livre "Le monde libre" aux Éd. Les liens qui libèrent, où elle accuse le Président d'être à l'origine de son licenciement. Un Président qui "passe 30% de son temps avec les journalistes".

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La cote de popularité de Hollande "flambe" de 1%! Stratégie magique ou simple hasard?
Même Claude Bartolone, Président de l'Assemblée Nationale, a taclé François Hollande, déclarant qu'"un président ne doit pas autant se confesser". Des socialistes d'autant plus sonnés par toutes ces confidences, que leur ancien Premier secrétaire y est également allé de son petit mot sur l'immigration: "trop d'immigration qui ne devrait pas être là" et sur l'Islam "un problème avec l'islam, c'est vrai. Nul n'en doute". Des propos peu compatibles avec l'orthodoxie socialiste sur ces sujets.

Au-delà de faire un peu plus la lumière sur un double discours aux plus hauts sommets de l'État, qui décrédibilise encore un peu plus la parole politique et présidentielle, le livre des journalistes du Monde semble avoir le mérite pour la "famille" socialiste de délier les langues au sein du parti et de poser la question de la possibilité de la candidature de François Hollande à sa propre succession.

Non content d'aligner les mauvais sondages, François Hollande semble en effet tout faire dans son livre pour s'aliéner ses derniers soutiens.

Les opinions exprimées dans ce contenu n'engagent que la responsabilité de l'auteur.

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