Le nom du président russe Vladimir Poutine a été évoqué durant cette dernière semaine en France un nombre assez impressionnant de fois en raison de sa visite annulée à Paris et ce qui a précédé : le désaccord concernant la situation dans la ville syrienne d'Alep et la résolution française sur Alep qui s'est heurtée au veto russe. M. Poutine ne vient toujours pas en France, mais il accepte de parler aux journalistes français de TF1 et leur parle franchement et sans éviter les questions délicates.
Or, alors que l'intégralité de l'interview en russe se trouve sur le site de TF1, les journalistes de la chaîne ont choisi de diffuser, pour le journal de 20 heures, une sélection de sujets assez chaotique. Certes, ils n'ont pas négligé les thèmes tels que la visite du dirigeant russe annulée à Paris, sa réaction aux accusations de crimes de guerre et les bombardements à l'est d'Alep. Cependant, bien qu'il y ait bien d'autres questions à soulever, la chaîne a vite passé… à ce que Poutine pensait de Donald Trump.
Donc, le reste de l'interview a-t-il paru moins important aux journalistes de TF1 ? Vladimir Poutine dit savoir qui a frappé le convoi humanitaire près d'Alep, et il dit que ce serait un groupe terroriste et que les États-Unis seraient au courant… Pas intéressant ! Il explique pourquoi la Russie n'est pas responsable de la crise migratoire que l'Europe a subie, en réponse à ces nouvelles idées circulant dans des médias occidentaux depuis quelques temps. Il dévoile une proposition extraordinaire qui a été faite à la Russie pour protéger la route avec des soldats russes ou le convoi humanitaire passera. Il revient sur le dernier cessez-le-feu en Syrie, il explique pourquoi et par qui, selon lui, il n'a pas été respecté. Intéressant ? Assez, si on a envie de connaître le point de vue du président russe sur une question sensible plutôt que savoir s'il aime bien Trump…
Pour les curieux, Sputnik vous présente les extraits qui ne sont pas parus sur TF1 au journal de 20 heures.
« Nous ne pouvons pas permettre aux terroristes de faire des populations un bouclier humain »
Pour décrire l'ampleur des atrocités aujourd'hui, le président russe a tenu à rappeler entre autres une frappe contre un hôpital de Médecins sans frontières en Afghanistan, puis une frappe plus récente au Yémen.
« Maintenant, concernant l'aspect humanitaire autour d'Alep. Est-ce que nous avons donc oublié comment l'aviation américaine avait frappé un hôpital en Afghanistan en tuant notamment le personnel de Médecins sans frontières ? Des centaines de personnes, d'invités à des fêtes de mariage, ont été supprimées en Afghanistan. Et aujourd'hui qu'est-ce qui s'est passé au Yémen ? Une seule frappe et 170 personnes tuées et 500 blessées lors d'une cérémonie funèbre », a fustigé M. Poutine.
« Partout où ont lieu les combats, malheureusement les personnes absolument innocentes meurent et souffrent. Mais nous ne pouvons pas permettre aux terroristes de faire des populations un bouclier humain et ne pouvons pas leur permettre de faire chanter le monde entier lorsqu'ils prennent quelqu'un en otage, lorsqu'ils tuent, lorsqu'ils décapitent », a-t-il poursuivi. « Si nous voulons mener le combat contre le terrorisme jusqu'au bout, il faut les combattre et non pas se laisser mener par la bride, ne pas s'incliner et ne pas reculer ».
La trêve en Syrie
« Tout récemment, nous nous sommes mis d'accord sur le fait qu'un cessez-le-feu serait déclaré, sur un jour D comme disaient nos amis américains. J'ai insisté pour qu'ils résolvent d'abord le problème de séparation du Front al-Nosra et des autres terroristes de la partie saine de l'opposition et qu'après ça, on décrète un cessez-le-feu », a commencé le président.
Pourtant, les États-Unis ont affrimé qu'il fallait d'abord déclarer un cessez-le-feu et qu'après ils allaient résoudre le problème de séparation entre les terroristes et les non-terroristes.
« Finalement, nous avons accédé à leurs désirs, nous avons accepté et le 12 septembre a été décrété jour de silence, d'arrêt des combats. Mais le 16 septembre, l'aviation américaine a frappé l'armée syrienne en faisant 80 morts ».
La frappe de la coalition internationale dirigée par les USA
« Au même moment, tout de suite après la frappe aérienne, Daech — là il s'agit déjà de Daech — est passé à l'offensive sur ce tronçon-là. Nos collègues américains nous ont dit que c'était une frappe par erreur. Mais cette erreur a conduit à la mort de 80 personnes. C'est la première chose. Et la deuxième chose, c'est que c'est peut-être aussi par hasard que Daech est passé à l'offensive tout de suite après ces frappes », a fait remarquer M. Poutine.
En même temps, au niveau le plus bas, au niveau opérationnel, un militaire américain a raconté qu'ils avaient préparé cette frappe pendant plusieurs jours. Comment est-ce qu'ils ont pu frapper par erreur s'ils l'avaient préparé pendant plusieurs jours ?, s'est interrogé le président.
« Nos accords de cessez-le-feu ont donc été compromis. Qui les a compromis ? Est-ce que c'est nous ? Non ».
La situation humanitaire à Alep
« Nous tous, en revenant à Alep, parlons de la nécessité de faire passer les convois humanitaires. Tout le monde essaye de nous convaincre qu'il faut le faire. Mais il ne faut pas nous convaincre, nous sommes du même avis, nous pensons qu'il faut organiser un convoi humanitaire. Mais comment le faire ? Il n'y a qu'une seule route que les convois doivent emprunter. D'un côté il y a des combattants, de l'autre les forces de l'armée syrienne. Nous savons déjà qu'il y a eu une provocation, qu'un de ces convois a été frappé, et nous savons au juste que ça a été fait par un des groupes terroristes ».
Puis, face aux propositions russes de retirer les commandos d'un côté et l'armée syrienne de l'autre pour laisser le passage libre sur cette route aux convois humanitaires, le chef d'État russe a mentionné la « proposition exotique » que Moscou a reçue.
« Et puis on nous fait une proposition exotique. Je vais vous étonner, vous et vos spectateurs. On nous propose que nos forces armées, les militaires de l'armée russe se dressent sur cette route pour garantir la sécurité. Nos militaires, gens courageux et résolus, sont venus me dire : d'accord, nous sommes prêts. J'ai dit : non, si nous le faisons, nous le faisons avec les Américains, proposez-le-leur. Nous l'avons proposé, eux [les Américains] ont tout de suite refusé, ils ne veulent pas se dresser, ils ne veulent pas retirer les unités de combat de ces groupes d'opposition, de ces groupes terroristes. Que faire ? »
L'accord avec Bachar al-Assad
« Nous nous sommes mis d'accord avec le président Assad, il a accepté d'emprunter la voie de l'adoption d'une nouvelle constitution et à organiser des élections sur la base de cette constitution. Or, on ne parvient à en convaincre personne », a déploré M. Poutine.
Si le peuple ne vote pas pour le président Assad, le pouvoir sera changé par voie démocratique, et ceci non pas au moyen d'ingérence armée extérieure, mais sous un strict contrôle international, sous le contrôle de l'Onu.
« Je ne comprends pas que cela puisse ne pas arranger qui que ce soit : c'est un instrument démocratique de règlement du problème du pouvoir. Cependant, nous sommes toujours optimistes et nous espérons réussir à persuader nos collègues et partenaires que c'est l'unique moyen de régler le problème ».
Crise migratoire
Le dirigeant russe n'a pas non plus négligé un problème qui agace, mais persiste toujours, irrésolu : l'afflux de migrants en Europe.
« Souvenons-nous que le problème des réfugiés est apparu bien avant que la Russie ait commencé à faire des efforts en vue de normaliser et stabiliser la situation en Syrie. L'exode massif des populations de cet énorme territoire du Proche-Orient et même de l'Afrique, de l'Afghanistan, il a débuté bien avant nos activités en Syrie ».
« Toute accusation contre la Russie selon laquelle elle porterait la responsabilité du problème des réfugiés est absolument infondée. Notre objectif consiste justement à faire en sorte de créer les conditions de retour des gens chez eux », a résumé M. Poutine.
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