J'ai une sympathie particulière pour Moustafa Djemilev, leader des Tatars de Crimée, un peuple déporté en 1944 par Staline en raison de leur relation ambiguë avec les nazis pendant l'occupation. Le retour de ce peuple en Crimée a été long et pénible. Djemilev a dû passer par les camps, l'exil, les grèves de la faim avant d'être autorisé à s'installer en Crimée. La réhabilitation des Tatars de Crimée ne fut achevée qu'en 1990 par Gorbatchev.
Mais aujourd'hui, en 2016 je trouve que sa nomination au prix Sakharov pour la liberté de l'esprit est un choix plus que polémique. Tout simplement parce qu'en 2016, il est n'est plus question de non-violence…
Le Majlis, organisation des Tatars de Crimée fondée par Djemilev et qu'il soutient toujours, s'est violemment opposé au rattachement de la Crimée à la Russie. Tout le monde le sait et on pourrait respecter cette position. Mais ce qu'on ignore, c'est que cette fois-ci, l'organisation n'a pas fait le choix de la résistance passive à la Tolstoï, Gandhi ou encore Andreï Sakharov, dont le prix du Parlement européen en faveur des militants des droits de l'Homme porte le nom. Bien au contraire, c'est une logique de guerre qui l'a clairement emporté pour le Majilis.
Selon Djemilev, 450 combattants tatars sont en guerre contre la rébellion pro-russe dans la région est-ukrainienne du Donbass.
Des militants d'Asker ont lancé des ballons à la frontière de la Crimée avec des slogans menaçants tels que « Les Russes : la valise — la gare — la Russie » ou encore « La Crimée est une terre promise par Dieu aux Tatars de Crimée ». Le message envoyé à la majorité de la population criméenne était clair et ce n'est pas celui de la paix.
Les militants proches de Djemilev bloquent le commerce entre l'Ukraine et la Crimée en arrêtant les camions. Ils prônent également une interdiction totale pour les touristes ukrainiens de passer leurs vacances chez les « occupants » et les « collabos ». Étonnant. N'est-ce pas le même langage qu'utilisait Staline en déportant nos ancêtres ?
J'espère que les Russes, les Tatars et les Ukrainiens recevront un jour leur prix Nobel de la Paix, lorsque ces les trois peuples parviendront à trouver pacifiquement des compromis difficiles sur la reconnaissance de la Crimée, comme l'ont fait Yitzhak Rabin et Yasser Arafat en 1992. Mais le Palestinien et l'Israélien ont reçu ce prix Nobel lorsqu'ils ont accepté le compromis et non lorsqu'Arafat menait l'Intifada pendant que Rabin appelait à casser les bras des Palestiniens.
Pour cette même raison, le moment n'est pas venu de donner le prix Sakharov à Djemilev. Pas encore.
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