La résolution française présentée samedi au Conseil de Sécurité a été rejetée suite au véto russe, une information ressassée depuis par les médias. Pourtant, le même jour, une résolution russe était elle aussi rejetée par le Conseil de Sécurité. Deux résolutions sur le même sujet rejetées le même jour, du jamais vu !
Ceux-ci montrent de prime abord de nombreuses similitudes : formules de courtoisie, rappels des bonnes intentions des divers rédacteurs, grand principes… Rapidement, pourtant, les textes divergent, laissant apparaitre des approches du conflit syrien et de sa résolution bien distinctes — voir antagonistes :
Bombardements aériens :
Le texte présenté par la France se focalise sur la « situation à Alep » qu'elle souhaite voir « régler immédiatement ». Elle réclame l'arrêt immédiat des « bombardements aériens aveugles ». On y trouve notamment à ce sujet quelques phrases antinomiques, comme la « demande à toutes les parties de mettre immédiatement fin à tous les bombardements aériens sur Alep et à tous les survols militaires de cette ville ». Toutes les parties ? Suivez mon regard lourdement insistant, pointé vers la Russie et la Syrie. Côté résolution russe, sans surprise, rien sur l'arrêt des bombardements aériens.
Humanitaire :
Si les deux résolutions « exigent » bien que « toutes les parties se conforment » au droit humanitaire international et respectent les accords de cessations des hostilités. La France réclame à nouveau la fin des bombardements afin d'assurer à l'ONU et « à ses partenaires » un « accès sûr et sans entrave […] à l'ensemble de la ville d'Alep. »
Le tout en conformité avec les accords bilatéraux passés entre Washington et Moscou à Genève le 9 septembre dernier, détaillés en annexe de la résolution. Un élément assez incontestable donc du côté occidental.
Crimes de guerre :
Autre point où les deux résolutions se distinguent: si les russes « rappellent que certaines des violations et atteintes commises en Syrie ne doivent pas rester impunies », les rédacteurs de la résolution française réaffirment de leur côté « que les violations et atteintes commises en Syrie, qui pourraient constituer des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité, ne resteront pas impunies. » Des Français qui concluent leur projet de résolution par l'expression de leur « intention de prendre d'autres mesures en vertu de la charte des Nations Unies en cas de non-respect de la présente résolution par toute partie du conflit interne syrien. »
Solution politique :
La Russie souligne, comme moyen de résolution du conflit, la « reprise rapide du dialogue intrasyrien, et réaffirme que l'avenir de la Syrie devrait être décidé par les syriens eux-mêmes », restant cohérents avec leur ligne depuis le début du conflit. La partie française évoque, quant à elle, « la mise en place d'une autorité de transition dotée des pleins pouvoirs exécutifs ouverte à toutes les parties ». Toutes les parties… y compris Al-Nosra ?
Front al-Nosra:
Les Français invoquent Staffan de Mistura, l'Envoyé spécial du Secrétaire général pour la Syrie, afin de témoigner « des sommets dans l'horreur » atteint dernièrement à Alep.
Al-Nosra, mise à part dans un paragraphe commun aux deux résolutions dénonçant les attentats commis en Syrie, le nom du groupe n'apparait nulle part dans les différents points de la déclaration française, qui se cantonne aux seuls « individus, groupes, entreprises et entités associés à Al-Qaida, à Daech ». Quant à l'appel « à toutes les parties d'empêcher tout appui matériel ou financier de parvenir aux individus » liés à ces groupes, la résolution française oppose à « l'exigence » russe sur ce point une simple « demande ».
D'autre part rappelons que le texte présenté par la France, l'est avec le soutiens d'autres pays parmi lesquels l'Arabie Saoudite. Par une étrange coïncidence, depuis que l'Égypte a voté pour la résolution russe, qui désigne spécifiquement Al-Nosra comme un groupe terroriste, une crise diplomatique sévit entre le Caire et Ryad.
Les Russes continuent à être présentés en Occident comme l'ennemi public numéro un, ils se placent pourtant dans la lignée de Staffan de Mistura ainsi que dans le cadre de l'accord russo-américain de cessez-le-feu. Qu'est-ce qui rend donc si inacceptable cette résolution russe ?
Si la pierre d'achoppement demeure les bombardements sur Alep Est, qu'est-ce qui empêche dans un premier temps de reprendre ce qu'il y a de bon dans la résolution russe et d'en proposer une autre concernant les bombardements à Alep, à moins qu'à cela ne s'ajoute le fait pour les occidentaux et leurs alliés régionaux de désigner nommément Al-Nosra ?
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