Réaliser que l'art culinaire est ta vocation et partir en France, puis quitter le pays de la haute gastronomie pour se faire une place en Russie ? C'est le cas du Japonais Kobayashi Katsuhiko qui vit et travaille dans la capitale russe depuis dix ans déjà et semble ne pas le regretter.
Un métier de prédilection
« Ici, je peux faire confiance aux gens à 100%. Ce sentiment, je ne l'ai jamais éprouvé auparavant ni en France, ni au Japon. Je ne parle pas du laxisme au travail, je suis toujours exigeant dans le milieu professionnel. Je parle de la confiance interpersonnelle. (…) Ici, les gens sont toujours prêts à venir en aide et je vois qu'on m'entend », relate le Japonais Kobayashi Katsuhiko.
Arrivé dans la capitale française, Kobayashi Katsuhiko a d'abord travaillé « partout où on avait besoin d'expérience », puis a obtenu le poste de chef dans un restaurant doté d'une étoile au guide Michelin ! « Bien évidemment, y travailler était un plaisir », avoue-t-il aujourd'hui.
Or, malgré cet évident succès professionnel, Kobayashi ne se sentait pas entièrement « chez lui ». La culture française ne devenait pas plus proche… et il a pris une nouvelle décision cardinale — quitter la République.
Au pays du « zen »
La Russie était encore un hasard dans le destin de Kobayashi Katsuhiko. « Il y a 25 ans, j'ai fait une escale à l'aéroport Cheremetievo. L'aéroport était très sombre, à la place des sièges, il y avait alors des bancs. C'est cette image d'une Russie froide que j'avais gardée. Lorsqu'on m'a proposé de venir ici j'ai hésité », explique-t-il aujourd'hui.
Malgré son hésitation, il vient à Moscou d'abord pour une semaine et ne se trompe pas : la ville a dépassé toutes ses attentes. Or, ce qui l'a surtout étonné c'est le zen russe.
« La vie à Moscou était très lente. Lorsque je demandais quelque chose, il se passait une heure, une journée et rien n'arrivait. Ceci concernait aussi bien les collègues que les fournisseurs, les fonctionnaires et les garçons. Tout le monde était décontracté. On me disait : "Pourquoi te précipites-tu ? Relaxe-toi, tout va bien !" ».
Or, il s'est avéré que travailler avec les Russes était agréable malgré cette « décontraction excessive » en comparaison aux normes japonaises.
Nouveaux horizons
Aujourd'hui, il a ouvert son propre café dans le centre-ville et ce malgré les préjugés sur les risques d'une telle entreprise en Russie. Quant aux difficultés qui surgissent, il trouve des solutions pour s'en sortir.
« Après les sanctions, nous avons commencé à nous servir principalement de produits russes. J'ai appris à cuisiner le loup gélatineux (poisson, ndlr) dont j'ignorais l'existence auparavant. Et c'est délicieux. Ça peut paraître étrange, mais cuisiner un bortsch (soupe aux betteraves, ndlr) ou une salade vinaigrette est beaucoup plus difficile : il faut beaucoup expérimenter avant de trouver la clé des habitudes gustatives russes ».
La cuisine traditionnelle japonaise ici est différente. Si c'est le minimalisme et la simplicité qui caractérisent les saveurs nippones, en Russie le goût est beaucoup plus éclectique. Ici, il est normal de conjuguer l'inconjugable et Kobayashi Katsuhiko y voit une harmonie et un équilibre.
Pays de la diversité culturelle
Or, cet éclectisme, on ne le trouve pas uniquement dans la cuisine. « La Russie est un pays plus hospitalier que le Japon. C'est lié à l'histoire. En Russie, je vois beaucoup d'Asiatiques, on observe ici un mélange culturel unique. C'est le lac Baïkal qui m'inspire dans ce sens : dans sa partie occidentale vivent les Russes, et à l'est des Bouriates et des chamans. C'est surprenant, vous n'en trouverez pas au Japon ».
Aujourd'hui, c'est plutôt le mode de vie au Japon qui le surprend, quant à l'esprit « de l'anarchie » russe lui est devenu très proche, avoue-t-il.
« En Russie, je me sens plus sécurisé, plus à l'aide. De nombreux Français ne comprennent pas ce que je fais ici. Ils me demandent souvent : "Tu n'as pas froid là-bas ?". Évidemment, j'ai froid, mais c'est très intéressant », conclut-il.