Rappelons en guise de préambule que la France et l'Allemagne, dont les dirigeants se sont rencontrés le 16 septembre dans le cadre d'un sommet informel de l'UE à Bratislava, — tenu sans la participation de la Grande-Bretagne — ont récemment présenté un nouveau projet visant à mettre sur pied une « force militaire commune » qui soit en mesure d' « égaler la capacité militaire de l'Otan ».
Concernant la création d'une union militaire européenne, quelle position a adopté la Pologne ?
Je crois que la Pologne ne fera pas partie d'une alliance de défense commune mise sur pied par les structures responsables du chaos régnant en Europe ces dernières années. La récente rencontre du groupe de Visegrád et la politique étrangère adoptée par le gouvernement polonais dans le cadre de l'Union européenne (UE) montrent clairement que l'UE est encore capable de se développer. Cependant, il est indispensable de modifier le règlement régissant la coopération entre ses pays-membres.
La création d'une telle armée (armée unique de l'UE, ndlr) sous la houlette de Bruxelles est en premier lieu propice à la formation d'une Europe fédérale. La Pologne n'approuve pas cette conception. Au cours des derniers mois, le président polonais et le ministre des Affaires étrangères Witold Waszczykowski ont clairement indiqué que l'Europe fédérale constituait un melting-pot capable de niveler les différences culturelles et nationales entre les pays-membres. C'est une structure susceptible de nuire à l'UE en tant que telle.
Les Etats-Unis vont-ils fermer les yeux sur ce « redémarrage » du système de sécurité européen ?
Je trouve que cette proposition va à l'encontre de la position adoptée par les Etats-Unis et de leur politique étrangère. La France et l'Allemagne ont déjà exprimé des doutes par le passé sur la politique imposée à l'UE par la Maison Blanche. Certes, l'Europe ne suit toujours pas la même voie que les Etats-Unis, surtout dans le contexte des derniers événements sur la scène internationale, dans le contexte des perturbations récentes de l'économie mondiale. De nouvelles puissances économiques font leur entrée sur la scène internationale, notamment la Chine et l'Inde. Ce sont des événements qui, à mon avis, auront un impact considérable sur la répartition de l'équilibre mondial du pouvoir.
A l'heure actuelle, l'Europe fait face à plusieurs problèmes très divers. Le problème des réfugiés et celui de la création d'une armée unique visant à protéger ses frontières constituent des problèmes secondaires. L'essentiel pour les dirigeants de l'UE, c'est de chercher à savoir quel rôle joueront les Etats-Unis vis-à-vis de l'Union européenne en particulier et au sein de la communauté internationale en général, dans le contexte de l'expansion économique de la Chine via la Nouvelle route de la soie, et compte tenu des relations de l'UE avec la Russie et l'Inde. Pour le moment, ces questions restent sans réponse, ce qui veut dire que les hauts responsables de l'UE s'abstiennent de penser à l'avenir, notamment aux prochaines décennies.
Au cas où l'Europe serait dotée de sa propre armée, qu'adviendrait-il de l'Otan ?
On a l'impression que les dirigeants de l'UE mettent délibérément certains problèmes à l'écart, qui vont quoi qu'il en soit les rattraper à l'avenir. Il est hors de question de les mettre sous le boisseau. La société s'inquiète du manque de sécurité en Europe. Il est indispensable de lui faire miroiter une perspective quelconque, par exemple celle d'une nouvelle structure au sein de l'UE. Dans tous les cas, nous devons nous préparer à ce qui arrivera après l'UE et l'Otan.