Pourquoi Poutine énerve les élites occidentales

© Sputnik . Sergey Guneev / Accéder à la base multimédiaVladimir Poutine
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Vladimir Poutine exaspère les élites de l’occident ; mais c’est quoi l'occident, sinon l'horreur économique (Rimbaud) tempérée par la barbarie humanitaire ?

L'occident est un terme inexact. On devrait parler d'atlantisme, mot qui évoque un océan incertain et l'Atlantide. En plus c'est un mot dangereux, qui rime avec oxyde, accident et déclenchement de guerres au nom de la morale humanitaire. Le grand auteur socialiste John Hobson, souvent cité par Vladimir Lénine pendant la Guerre impérialiste, avait expliqué, dès les années 1900, que tous les impérialismes coloniaux aimaient se justifier et se reposer sur la pleurnicherie (the sentiments) et le moralisme (the moral factors). On ne faisait pas la guerre pour le pétrole ou le nickel, pour conquérir des marchés (cf. le honteux Break up de la Chine), on faisait la guerre pour répandre des lumières! Cette naïveté de criminel moraliste reposait non sur l'hypocrisie mais sur l'inconsistance, selon Hobson, qui rappelait prudemment quand même qui était aux commandes derrière ce fatras de violence et de choucroute humanitaire (1).

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La prospère et humanitaire oligarchie occidentale se flatte d'être sans préjugés, mais le moins que l'on puisse dire est qu'elle a des œillères. Elle voit des tyrans partout, surtout dès que les chefs politiques ne sont plus tout à fait d'accord avec ses caprices. Erdogan est promu tyran le lendemain qu'il échappe à Washington; le chef d'Etat philippin devient du jour au lendemain un ennemi de « l'humanité » (formule qui ne fait même pas rire après Hiroshima ou Nagasaki), Porochenko un gros démocrate, avec ses cinq mille morts civiles dans le Donbass, parce qu'il associe le fils Biden, rejeton de l'inexistant vice-président US, à son train de corruption. L'expression attribuée à tel président « c'est un salaud mais c'est notre salaud » s'applique ici parfaitement…

Quand on est soumis aux élites occidentales Bilderbergs-Goldman Sachs-Otan-etc., on est un démocrate. Sinon on est un tyran. Ce n'est pas plus difficile que ça!

Après on arme l'Allemagne et le Japon et on leur demande, toujours au nom de l'humanité, d'attaquer des pays comme la Chine et la Russie que le nazisme et le mikado ont déjà martyrisés vers 1940. Tout cela bien sûr au nom de l'humanité et des droits de l'homme.

Mais Jupiter ne veut-il pas rendre fous ceux qu'il veut perdre?

On aimerait qu'il les rende impuissants aussi.

Dans l'énervement occidental vis-à-vis de Poutine, il y a une incompréhension de base lié aux limites spirituelles de ces mêmes élites (limites que dénonçait déjà René Guénon).

Car il y a une dimension orientale chez Poutine qui est d'ailleurs liée au caractère russe. Poutine a rappelé le neuf mai 2015 le caractère multi-ethnique de son pays (on laisse la bringue du multiculturel à l'occident) et il possède incontestablement des traits intellectuels asiatiques — que l'on ramène ici au jeu d'échecs.

Tout cela me rappelle mon Lao Tse:

« Or j'ai appris que celui qui sait gouverner sa vie ne craint sur sa route ni le rhinocéros ni le tigre.
S'il entre dans une armée, il n'a besoin ni de cuirasse ni d'armes. Le rhinocéros ne saurait où le frapper de sa corne, le tigre où le déchirer de ses ongles, le soldat où le percer de son glaive (2). »

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Mais Poutine est aussi eurasien, et son héritage politique est européen — pas « occidental ». L'histoire de Vladimir Poutine est incompréhensible pour nos élites et leurs chaînes infos sorties du cauchemar de la caverne platonicienne. Voilà un homme politique qui aime et célèbre son pays (ô crime contre l'humanité!); voilà un homme politique qui reconnaît des racines chrétiennes (or quand on fait la promotion des Femen…); voilà un homme politique qui sait dire non, et qui sait protéger et défendre son pays. Imagine-t-on un Calais en Russie, ou une invasion lamentable et déshonorante comme celle de l'Allemagne ou de l'Italie?

Voilà un homme politique qui veut chercher une base de discussion. Or l'occident n'a plus de base. L'occident est numérisé, volatilisé, Bitcoin! Il n'a plus de base spirituelle, chrétienne ou autre. Il n'a pas de non plus de base matérielle; son économie est fantôme, elle ne repose sur rien de concret, sauf en Allemagne. Cette économie est virtuelle, fictive, me disait une amie économiste en Argentine. On ne sait jusqu'où Wall Street montera, jusqu'à quand le dollar durera, la dette immonde, les conditions de vie toujours pires (3). Et la moitié des étasuniens n'ont pas 500 dollars en poche; on les cache derrière les indices soutenus par les rachats de la Fed qui ne roule que pour les 300 milliardaires à la Soros ou à la Bezos qui veulent une guerre de snobs contre la Russie.

On se croirait dans un roman de Jack London. Voici ce qu'il écrit de l'oligarchie américaine:

« Ils étaient convaincus que leur classe était l'unique soutien de la civilisation, et persuadés que s'ils faiblissaient une minute, le monstre les engloutirait dans sa panse caverneuse et gluante avec tout ce qu'il y a de beauté et de bonté, de joies et de merveilles au monde. Sans eux, l'anarchie régnerait et l'humanité retomberait dans la nuit primordiale d'où elle eut tant de peine à émerger (4).»

C'est ce qui rend l'oligarchie occidentale, celle qui donne des Barroso, des Draghi, des Merkel, si périlleuse. Elle veut sa nursery sous contrôle. Et Poutine n'en veut pas.

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Poutine évoque aussi le pragmatisme. Or quand on déclare pour rien, par sadisme pur, par bêtise crasse, par incompétence absolue, par méchanceté insurpassable, par débilité profonde, la guerre à l'Irak, à la Libye, au Yémen, à la Syrie en attendant la Chine et la Russie, on n'est pas pragmatique; on est juste bon pour la camisole, à moins que l'on ne soit, comme le pense l'ami Paul Craig Roberts the evil incarnated, le mal incarné.

On voit du coup que Poutine et la Russie sont populaires chez des gens de droite comme chez les gens de gauche. Poutine échappe aux classifications occidentales (« tu te soumets à ma monnaie-papier et à ma morale-bidon ou on t'explose! »); il est populaire chez les bons chrétiens, chez les bons musulmans, et il est populaire en Asie, chez les chinois et même en Amérique maintenant avec Trump — pour ne pas parler de Farage en Angleterre. Là aussi il échappe aux classifications: il est souverainiste, il croit au libre marché, aux bons échanges interculturels, tout ce qui échappe à la nécrose mondialiste euro-américaine de cette époque méprisable et schizophrène (on tuera quatre millions de musulmans en dix ans, mais on laisse les racailles faire régner la terreur)!
Quand on est à bout d'arguments, dit Schopenhauer dans son livre amusant sur l'art de convaincre, on insulte; l'occident ne sait plus faire que cela, et en boucle encore (5)…

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Notes

(1) John Hobson Imperialism, a study, Londres, 1902
(2) Tao te King, 50
(3) Voyez le bon site Theeconomiccollapseblog.com
(4) Le talon de fer, p.272 (Ebooksgratuits.com)
(5) Schopenhauer, l'art de convaincre, 37

 

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