Les récentes attaques démontrent que la guerre contre les journalistes "devient sanglante" en Ukraine, alors que les autorités du pays se montrent incapables de faire face aux menaces contre les médias et pourraient même être impliquées dans ces attaques, note le journal américain Foreign Policy.
"Le meurtre du journaliste Pavel Cheremet rappelle que l'Ukraine mène une guerre (…) où le journalisme est devenu un nouveau front dangereux", indique le journal dans un article intitulé "Vivre de sa plume, mourir par l'épée".
Compte tenu du faible taux d'élucidation des crimes visant les journalistes en Ukraine, le président ukrainien Piotr Porochenko a annoncé après le meurtre que des enquêteurs du FBI américain participeraient à l'enquête.
"Toutefois, l'enquête stagne depuis plus d'un mois – aucune arrestation et aucun suspect en vue", déplore l'auteur de l'article Ian Bates.
Cet assassinat est loin d'être un acte isolé. Rien qu'en 2016, 113 attaques contre les journalistes ont déjà été enregistrées en Ukraine, d'après l'Institut des médias (IMI), une ONG basée à Kiev.
Selon le journal, "ce regain de violence et l'absence de réponse de la part des autorités rappelle l'intimidation et la censure auxquelles les médias ukrainiens ont déjà été confrontés" par le passé.
"Une manifestation annuelle contre les violences visant les journalistes se déroule en Ukraine le 16 septembre, le jour du meurtre de Gongadze. Cette année, les manifestants rendront aussi hommage à Pavel Cheremet", ajoute le journal.
En 2016, on assiste à un retour en arrière sur la liberté de la presse en Ukraine, selon Foreign Policy.
En mai dernier, le site ukrainien Mirotvorets (Pacificateur), qui affirme lutter contre les "ennemis de l'Ukraine" a publié les noms, les employeurs, les adresses électroniques et les numéros de téléphone d'au moins 4.000 journalistes locaux et étrangers qui s'étaient fait accréditer dans les républiques autoproclamées du Donbass pour couvrir le conflit dans l'est du pays.
Quelques semaines plus tard, le président Porochenko a condamné la fuite organisée par Mirotvorets sous pression internationale.
"Mais il y avait toujours des signes montrant que les autorités ukrainiennes ne comprennent pas à quoi sert le journalisme et pourquoi il est nécessaire", indique le journal américain.
Aucune action en justice n'a été intentée suite à la publication des données personnelles des journalistes et les attaques contre les médias sont devenues monnaie courante.
Le 19 juillet dernier, un jour avant le meurtre de Pavel Cheremet, Maria Rydvan, rédactrice en chef de l'édition ukrainienne de Forbes, a reçu plusieurs coups de couteau à Kiev. Le 25 juillet, deux inconnus ont battu Sergueï Golovnev, rédacteur en chef de la revue Biznes Tsenzor, alors qu'il rentrait chez lui.
Le 4 septembre dernier, une quinzaine d'individus ont incendié les locaux de la chaîne de télévision Inter TV lors d'une action de protestation contre sa "couverture pro-russe" des événements en Ukraine. Cet incident porte aussi atteinte aux réformes et à la transparence dans le pays.
La journaliste ukrainienne Kristina Berdynskikh a reçu des menaces de mort après la publication de son article sur les intérêts commerciaux d'un parlementaire. Un inconnu a proféré des menaces contre une autre journaliste, Katerina Sergatskova et contre son enfant. Le nom et le numéro de téléphone de Mme Sergatskova figurent sur la liste publiée par le site Mirotvorets.
Avant le meurtre de Pavel Cheremet, les journalistes en poste en Ukraine ne croyaient pas que les menaces qu'ils recevaient étaient réelles.
Mais "le meurtre a tout changé. Il est devenu clair que les responsables du gouvernement ne peuvent ou ne veulent par protéger les journalistes. La réaction inappropriée des autorités et d'autres faits montrent que le gouvernement ukrainien cherche à intimider les médias", conclut Foreign Policy.