Goulmourod Khalimov, ancien colonel tadjik, a disparu au Tadjikistan le 23 avril 2015. Un mois après, le 27 mai, une vidéo de 12 minutes était publiée sur les réseaux sociaux, montrant l'ancien chef des forces spéciales du ministère tadjik de l'Intérieur (équivalent du SWAT américain ou du RAID français) en combattant de Daech.
Il est à noter qu'auparavant, il avait reçu une formation antiterroriste aux Etats-Unis entre 2003 et 2014 et a participé à cinq cours d'entraînement dans le cadre d'un programme d'aide américain. Dans une vidéo publiée par Daech, Goulmourod Khalimov a déclaré qu'il s'était rendu aux Etats-Unis en 2003 et 2008 pour y suivre un cours d'entraînement des forces spéciales dans une base militaire de la société privée Blackwater.
Après qu'une quête a été lancée contre Khalimov le 28 mai 2015, une information selon laquelle il regrettait et souhaitait rentrer au pays a commencé à circuler. Pourtant, le chef du Ministère tadjik de l'Intérieur, Ramazon Rahimzoda a déclaré que "son destin [était] son problème". "Il ne peut pas y avoir de pitié pour un espion et un traître". Khalimov figure sur la liste des terroristes d'Interpol. Plus tard, une autre information est apparue selon laquelle selon laquelle Khaklimov aurait été gravement blessé. Puis on n'a plus entendu parler de lui. Mais il y a peu, Washington a déclaré que sa tête était mise à prix pour 3 millions de dollars (2,6 M EUR).
On peut se demander comment le chef des forces spéciales tadjikes a pu traverser la frontière du pays, mais on n'aura jamais de réponses exactes: pour découvrir la vérité, il aurait fallu lancer plusieurs enquêtes militaires.
Pourtant, une autre question bien plus intéressante se pose: qu'est-ce qui a motivé ce militaire accompli, formé au Tadjikistan mais également aux Etats-Unis et en Russie, à prendre une telle décision? Que s'est-il passé dans sa tête? Voici plusieurs éléments de réponse proposés par Sputnik:
Une protestation
La version la plus probable est donnée par Gulmurod Khalimov lui-même. Dans la vidéo publiée quelques temps après sa disparition, il a expliqué que par ce geste il entendait protester contre le travail du ministère de l'Intérieur, contre l'interdiction d'effectuer la salât cinq fois par jour et de porter l'habit musulman. Il a également critiqué la politique menée par les autorités tadjikes et les liens qu'entretient Douchanbe avec la Russie et les Etats-Unis sans pour autant rentrer dans les détails.
Au nom de la foi
Une deuxième raison qui pourrait expliquer ce choix est sa croyance en la nécessité de créer un califat, idée confirmée par l'intéressé. Selon lui, il est musulman pratiquant depuis 2001 et effectue la salât (la prière islamique). Il a fait remarquer que, étant au fait de l'histoire du Tadjikistan et de l'islam, il avait rejoint Daech de son plein gré.
Pourtant, ses parents et collègues ont lancé unanimement qu'il n'avait jamais été quelqu'un de croyant et pratiquait pas la salât. "En tant que militaire, il savait bien qui était derrière Daech. Ainsi, on peut supposer qu'il n'est pas parti au nom de la foi. Il y a peut-être quelque chose d'autre derrière cela," racontait alors son ex-collègue aux médias.
Pour engranger des bénéfices
Certains ont pensé que Khalimov était parti en Syrie pour gagner de l'argent. Mais personne ne considérait cette version comme une sérieuse. Selon les médias, les recruteurs étrangers en Syrie gagnent entre 600 et 1000 dollars par mois (entre 538 et 896 euros par mois). Si un combattant est arrivé avec sa femme, il touche 50 dollars de plus, avec un enfantn 35 dollars de plus.
Il est clair que le chef du SWAT tadjik ne gagnait pas une telle somme. De plus, on ne trahit pas sa patrie et ne laisse pas sa famille pour une telle somme. La famille de Khalimov, ou plus exactement, sa deuxième femme et leurs quatre enfants, sont partis en Syrie en février 2016. Sans aucune entrave… Sa deuxième femme occupait le poste d'attachée de presse des services douaniers tadjiks. Elle avait le grade de capitaine, et avant de commencer son travail au sein de la douane, elle avait travaillé au service de presse du ministère tadjik de l'Intérieur, où elle avait fait la connaissance de Khalimov.
Le "Syndrome du militaire"
Khalimov est militaire de carrière. Dans les années de la guerre civile au Tadjikistan, il a servi dans la garde présidentielle. Il a travaillé au sein du ministère tadjik de l'Intérieur, où il a débuté en tant que sergent et a gravi les échelons jusqu'à devenir colonel. Il a participé aux opérations contre les formations rebelles à Rasht et à Khorog. Ainsi, cette personne a non seulement participé à des actions militaires, mais aussi aux conflits d'après-guerre.
Le syndrome du stress post-traumatique est connu chez les patients qui ont participé à des actions militaires violentes. Il y a autant de symptômes différents qu'il y a de militaires affectés: certains deviennent peureux, d'autres ressassent en permanence leurs souvenirs des combats et sont ouvertement agressifs.
Selon les médecins, la guerre est comme une addiction aux drogues. Certains vétérans de guerre sont en manque d'adrénaline et ont besoin de "leur dose". Voici pourquoi, après la fin des services, un certain nombre d'entre eux vont travailler dans les zones dites "chaudes". Serait-ce le cas de Khalimov?