Passage à tabac, froid glacial et ablation d'un rein… voilà ce qui a constitué son quotidien pendant ses 600 jours de détention. Survivre dans une prison secrète en Ukraine, c'est un défi tant pour le moral que pour la santé, et ce jeune homme en est un exemple vivant. Vivant, mais avec des cicatrices indélébiles, émotionnelles et corporelles, et avec un rein en moins. L'horreur qu'il a vécue, il la partage à contrecœur dans un entretien à l'AFP.
L'Ukrainien Mykola, âgé de 34 ans, a été détenu le 9 décembre 2014, sans jamais savoir le motif de son arrêt. Les forces gouvernementales l'ont appréhendé dans sa ville d'Oukraïnsk, dans la région de Donetsk. Sans plus de cérémonie, deux hommes en civil l'ont menotté à un radiateur et ont commencé l'interrogatoire.
"Maintenant, à chaque mauvaise réponse, tu recevras un coup dans la poitrine", l'ont-ils mis en garde, et leurs "confrères" ont prouvé leur fidélité à cette règle pendant toute la période de détention de Mykola.
"J'étais prêt à être fusillé. On m'a tellement battu. Il n'y avait plus rien à battre", a-t-il confié.
On l'a forcé à reconnaître qu'il "avait participé à des provocations contre les autorités ukrainiennes", et pendant cinq jours, il a vécu dans des conditions inhumaines.
"Je gelais dans une chambre qui faisait un mètre sur deux. (…) Même l'eau gelait là-bas", se rappelle-t-il avec effroi. "On ne me laissait pas aller aux toilettes. Les toilettes, c'était une bouteille de cinq litres".
Fin juillet, grâce aux efforts des ONG Amnesty International et Human Rights Watch (HRW), Mykola a été libéré, avec une santé et un moral en partie détruits.
Les ONG ont dénoncé la présence de prisons secrètes tenues par les services de sécurité ukrainiens dans l'est du pays où tant de gens ont subi des tortures… Il existait de telles prisons à Kharkiv, Kramatorsk, Izioum et Marioupol.
Mykola poursuit son récit: après les coups à répétition, moyen disciplinaire dans la prison, et le froid insupportable, il était épuisé et tenait à peine sur ses jambes. En mars 2015, il a dû être hospitalisé à Kharkiv où il a été contraint de se procurer une fausse identité, celle d'un habitant de cette ville. Il a alors subi une ablation du rein…
Puis de longs mois de détention ont suivi. Le 25 juillet et le 2 août 2016, 13 prisonniers détenus secrètement à Kharkiv par les forces ukrainiennes ont été enfin libérés, après un petit sermon en guise d'adieu. Les forces de sécurité de Kiev n'ont pas manqué de les menacer "de sévères représailles s'ils venaient à parler publiquement" de leur détention secrète.
"On nous a rendu nos papiers et 100 hryvnias (3,5 euros, ndlr)", raconte Mykola, évoquant ce moment tant attendu.
Une fois libéré, Mykola Vakarouk a engagé un avocat et est rentré chez lui, à Oukraïnsk, en dépit des menaces proférées.
"Pourquoi je partirais d'ici? Mes parents sont enterrés ici, mes enfants sont nés ici", assène-t-il.
Un autre fait préoccupe les deux ONG: les civils détenus dans les prisons ont souvent été présentés comme des combattants afin d'être utilisés lors d'échanges de prisonniers de guerre entre les deux camps, ce qui "peut être assimilé à une prise d'otage et donc à un crime de guerre". Mais, malgré tout les efforts d'Amnesty et d'HRW, au moins cinq personnes restent toujours derrière les barreaux des prisons secrètes ukrainiennes.