Le photographe Mouravski a récemment publié une série de photos sous le titre "La douleur de la guerre", et l'une d'elles a gagné — sans doute trop — en popularité chez les internautes et a même fait l'objet d'un article dans Business Insider intitulé "Images depuis la ligne de front du conflit ukrainien — un rappel vivant de la guerre sévissant en Europe".
"Sans doute trop", parce que la photo où l'on voit des soldats fuyant une explosion dans le village de Shirokino, non loin de Marioupol, a ensuite éveillé des soupçons chez les experts quant à son authenticité.
Les utilisateurs de Facebook ont été les premiers à douter que la photo représente bel et bien un événement qui a réellement eu lieu. Puis, les doutes ont laissé place à une lettre ouverte de photographes ukrainiens qui estiment que la photo ne serait qu'un montage. Les auteurs de la lettre ont appelé le photographe à reconnaître le trucage afin que le monde ne perde pas confiance dans le photojournalisme ukrainien.
M.Mouravski ne s'est pas débiné. Il a expliqué que la photo avait été prise le 4 juin à Shirokino, alors ligne d'affrontement entre des bataillons ukrainiens et des soi-disant "insurgés" du Donbass. Oui, mais où sont les preuves? Le photographe brandit une vidéo sur laquelle des militaires présents sur la photo en question confirment qu'elle est authentique.
Mais la vidéo n'a pas mis fin à l'enquête. Selon Viktor Moroz, chef de peloton d'un des bataillons, les militaires de la photo étaient informés de la façon dont ils devaient se comporter et que l'explosion était artificielle.
"La photo de M.Mouravski représentant une explosion à Shirokino est une simulation. L'endroit est réel, la ligne de front. Mais on a demandé aux soldats de jouer la scène, on leur a expliqué quoi et comment faire. Il n'y a pas eu de blessures, pas de membres déchiquetés dans la réalité. Il n'y a pas eu de bombardement — on a fait exploser un engin à distance, engin couvert d'un sac soit de ciment, soit d'un mélange pour la construction, soit de craie… Et la poussette n'était pas là, on l'a placée exprès", a dénoncé M. Moroz.
Sa version semble bien vraisemblable, a indiqué au Washington Post Kenton Fulmer, ancien poseur de bombes au sein des forces terrestres des Etats-Unis et actuellement employé du centre analytique en matière de défense Armament Research Services. L'explosif a été apparemment activé à distance, mais il faut des preuves physiques pour étayer ces propos.
Dmitri Mouravski a d'ailleurs présenté des photos prises après l'explosion. Lorsqu'on lui a demandé de présenter des photos prises avant l'explosion, il a expliqué qu'il les avait supprimées, car il "n'est pas professionnel" et n'est pas au fait des standards du travail dans le photojournalisme — et ce alors qu'il travaille avec le ministère ukrainien de la Défense. Ou plutôt a travaillé: faute de scandale autour des photos, le ministère a limogé le photographe.
Mais revenons au sujet. Les experts du Centre d'études sur la non-prolifération des armes, situé en Californie, ont conclu, à l'issue de l'analyse, que la photo avait été prise le 4 juin à 12h50 heure locale. Et ici encore commencent des divergences.
Selon un site affilié au ministère ukrainien de la Défense, le village de Shirokino a subi ce jour-là un bombardement entre 12h45 et 12h47. A leur tour, les représentants de la mission d'observation de l'OSCE qui étaient présents sur les lieux le 4 juin de 9 à 11 heures du matin n'ont enregistré aucune explosion sur cette période, a annoncé la porte-parole de la mission Alexandra Taylor.
Alors, qui croire? La mission indépendante ou le "photographe non professionnel" travaillant au ministère ukrainien? A vous de voir.