Mais si le reportage de Skynews était bidonné, le groupe Wagner existe bel et bien, le journal russe RBK — l'équivalent local des Échos chez nous — a d'ailleurs publié une enquête fouillée et peu complaisante à ce sujet. Selon ce média, cette société militaire (ou SMP) aurait engagé simultanément jusqu'à 1600 contractors en Syrie, sous contrôle du GRU, le renseignement militaire russe. Une situation délicate, car en Russie les SMP et autres groupes de mercenaires sont interdits par la loi, comme le souligne le général Patrick Desjardins, ancien patron des forces de sécurité de l'armée de l'air et maintenant attaché défense et consultant.
Les groupes OSN dirigés par Wagner et qui en fait sont un peu dans ce qu'étaient les groupes Slavoniques avant que leurs dirigeants ne soient emprisonnés en Russie ont mené des activités avec une organisation qui est interdite en Russie par la loi.
Une situation bien différente de celles des États-Unis qui encourage depuis longtemps ce type de société. La différence entre SMP et mercenaire, tenant essentiellement, selon le General Desjardins, au cadre légal dans lequel ces hommes sont employés… Aux Etats-Unis, notamment, les contractors se voient confier régulièrement des missions de combat défensives, mais aussi offensives, une situation impensable dans les cadres légaux français ou russes.
Il y a d'un côté un État comme les États-Unis qui dès 1946 conçoit et autorise l'émergence de sociétés privées en les finançant et en donnant des missions qui sont tout à fait dans un cadre "limite" et puis il y a d'un autre côté un pays comme la Russie dont la loi interdit ceci.
Ce n'est donc sans doute pas aux États-Unis de donner des leçons sur l'emploi des SMP, d'autant que Blackwater, pour ne citer que la plus célèbre, est à l'origine de nombreux dérapages et dommages collatéraux à l'encontre de la population civile irakienne. Le cas le plus connu: 17 civils tués dans une fusillade en Irak en 2007, pour laquelle 4 ex-employés de blackwater ont été condamnés aux États-Unis en 2015.
Rappelons qu'en 2011, en Afghanistan, le nombre de "contractors" était supérieur à celui des militaires US. En Irak, le ratio était de 1 pour 1,12 militaire.
À quelles conditions autoriser les "affreux", comme on appelait les mercenaires, en France? Patrick Desjardin rappelle le cadre dans lequel réfléchissent politiques et militaires. Un véritable contrat de confiance:
Il y a nécessité d'avoir cette sorte de rapport de confiance ensuite ce respect, ce code d'éthique et ensuite cette capacité de l'État à vérifier, à contrôler les opérations.
Un précédent qui en amènera d'autres? À voir — tant le souvenir des "affreux", de Bob Denard et de ses opérations troubles — du coup de main au coup d'État — en Afrique, modèle notre perception sur la question.
La Russie est aussi partagée que nous sur la question. Certains mercenaires russes opérant en Syrie ont fini en prison, mais le renseignement militaire russe superviserait le groupe Wagner. Seuls les USA ont clairement tranché la question, en faveur de la privatisation de la guerre.