Le chaos syrien dure depuis maintenant 5 ans ½ et aurait fait 300 000 victimes. Notre Ministre des affaires étrangères, en poste depuis six mois, s'est fendu d'un entretien dans le Monde, pour faire le point sur ce conflit. On peut y lire quelques déclarations chocs, par exemple « Je dis aux Russes d'arrêter de bombarder en Syrie », ou d'autres plus condescendantes encore: « La Russie est une grande nation qui veut jouer à nouveau un rôle. On le comprend ».
Cela étant dit, il est vrai que ses propos marquent une certaine inflexion face au va-t-en-guerrisme de Laurent Fabius, son prédécesseur… Notamment, Ayrault ne mentionne pas une seule fois, explicitement, un « départ » de Bashar El-Assad.
La priorité semble maintenant le rapport et une résolution condamnant les attaques chimiques de 2013. Jean-Marc Ayrault martèle cette caution morale, ce fameux « rapport sur l'utilisation des armes chimiques », dont la crédibilité serait selon lui « incontestable ». Mais peut-être nous faudrait-il entretenir ici un certain scepticisme.
Nous en saurons davantage demain, car malheureusement, les Nations Unies ont refusé de communiquer plus tôt à Sputnik News le rapport qui a pourtant été consulté par l'AFP et Reuters — et dont notre Ministre des Affaires étrangères semble déjà avoir une connaissance aussi parfaite qu'approfondie.
Ce rapport est en effet devenu le cœur de l'argumentation du Ministre. Œuvrant contre le régime syrien, notre Gouvernement est incapable d'imaginer l'étape suivante et de se confronter au risque d'un appel d'air qui ferait le jeu des terroristes. En bon pacifiste, Jean-Marc Ayrault se révèle incapable de distinguer la politique de la morale.
A un rapport succède une résolution, avant que l'on ne s'adresse résolument à l'opinion publique internationale, espérant qu'elle « sensibilise » les pouvoirs syriens et russes. En fin de compte, les propos du Ministre transpirent à la fois l'impuissance et le moralisme. Sans surprise d'ailleurs, puisque l'un se nourrit forcément de l'autre.
En effet, « il ne suffit pas de condamner les abus au nom de la morale, car il y a aussi des abus de la morale », disait Julien Freund. D'une part, à trop culpabiliser un régime, nous le caricaturons, nous nous interdisons une juste compréhension des circonstances politiques. Ainsi cette caricature est-elle une méconnaissance du politique. D'autre part, cet entretien trahit le désir de trouver un coupable plutôt que la volonté de résoudre ce conflit.
En fin de compte, Ayrault s'érige en juge, et non en homme d'Etat.
Les opinions exprimées dans ce contenu n'engagent que la responsabilité de l'auteur.