Sputnik a questionné des habitants d'Istanbul pour avoir leur opinion sur le rétablissement de la peine de mort. La vox populi n'est pas unanime.
"D'aucuns pensent qu'ils ont exécuté des ordres, mais je ne le crois pas. Un soldat véritable ne tirera jamais sur ses parents, sur des personnes innocentes, même s'il reçoit un ordre de son supérieur…Je pense que la peine de mort permettra d'en finir une fois pour toutes avec les terroristes du PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan) et les autres groupes illégitimes", affirme le commerçant.
Étudiant à la faculté de droit, Sefer Karademir estime que les débats sur la réintroduction de la peine de mort ne sont qu'une astuce politique. Il signale que différents Etats recourent à la peine de mort pour neutraliser leurs ennemis, bien souvent créés par eux-mêmes. Il rappelle que le rétablissement de la peine de mort a suivi les coups d'Etat de Pinochet, Hitler et Mussolini. Il n'y a donc rien d'étonnant à ce qu'Erdogan y soit tellement attaché, vu ses projets d'instaurer un régime autoritaire et d'empêcher l'opposition de lutter contre son pouvoir illimité.
Basak Samkioglu, étudiante en troisième cycle, lui donne raison. Peu confiante dans le système judiciaire, elle voit dans le rétablissement de la peine de mort un moyen de renforcer le pouvoir en place. Elle a de forts doutes sur la justesse et l'équité des décisions prises par les gens au pouvoir.
Par contre, le vendeur de drapeaux Yusuf Sezener juge que les soldats ayant tourné leurs armes contre les civils méritent la peine de mort et souhaite qu'elle soit rétablie.
Le témoignage d'un autre interlocuteur de Sputnik, l'enseignant Cagdas Savur, démontre combien la société turque est divisée sur le problème. Ses propos méritent d'être cités intégralement.
"Il est nécessaire de comprendre très nettement à quelle fin la peine capitale sera utilisée dans notre pays. Je ne fais pas confiance au système judiciaire. Nous savons tous comment on a réprimé l'opposition et ce qui s'est passé avec les gens mécontents du pouvoir en place. Nous n'avons pas oublié les répressions qui ont sévi par le passé. Nous autres, représentants de l'opposition, redoutons surtout d'être pendus sans inculpation ni jugement. La violence du pouvoir dictatorial n'a pas de limite, déplore Cagdas Savur.
Dans la nuit du 15 au 16 juillet, une tentative de coup d'Etat militaire a été entreprise en Turquie. 246 personnes (sans compter les militaires) ont été tuées et plus de 2.000 autres ont été blessées dans la nuit du putsch, dont les principaux événements ont eu lieu à Istanbul et à Ankara.