Craignant qu'Ankara n'opte pour la Russie dans sa politique étrangère, les dirigeants occidentaux suivent de très près les "manœuvres" du président Recep Tayyip Erdogan, constate la presse internationale.
"Aussi bien en Occident qu'en Russie, on s’interroge sur la direction choisie par le +grand sultan d'Ankara+ après la tentative de coup d'Etat avortée. Aussi, sa prochaine rencontre à Saint-Pétersbourg avec le maître du Kremlin est-elle en train de revêtir une large signification géostratégique", lit-on notamment dans les pages du quotidien britannique Financial Times.
L'inquiétude des occidentaux est facile à comprendre. En effet, le président turc se rend à Saint-Pétersbourg pour sceller la réconciliation d’Ankara avec la Russie. Or, la Turquie est aussi un membre essentiel de l’Alliance atlantique et une interface stratégique entre l’Europe et le monde arabe.
Il s'agit notamment de la réconciliation dans des relations mises à mal par l’affaire du bombardier russe abattu par l’aviation turque le 24 novembre 2015 à la frontière syrienne. Le processus de normalisation des relations russo-turques s’est brusquement accéléré au lendemain du putsch manqué.
"La Russie nous a accordé un soutien total et inconditionnel pendant la tentative de coup d’Etat. Nous en remercions Vladimir Poutine et tous les officiels russes. (…) La Russie est non seulement notre proche voisin et une amie, mais également un partenaire stratégique", a déclaré en amont le chef de la diplomatie turque Mevlüt Çavusoglu, cité par les agences.
Et c'est alors que les Etats-Unis refusent toujours d'extrader vers Ankara Fethullah Gülen, l’ennemi juré d’Erdogan, inspirateur désigné du coup d’Etat manqué.
Force est de reconnaître par ailleurs que, sur le plan économique, la Turquie est beaucoup plus liée à la Russie qu’aux Etats-Unis. Moscou et Ankara affichent plus de 35 milliards de dollars d’échanges et la volonté d’atteindre les 100 milliards d’ici à 2020.
Pour ce qui est de l’Union européenne, embourbée dans les difficultés sécuritaires, la stagnation économique, la crise sans fin de l’euro et le Brexit, elle n’est plus un partenaire de poids pour la Turquie, ayant bien moins d’attraits que le Kremlin pour l'homme fort d’Ankara.
Qui plus est, il n’est d’ailleurs plus guère question depuis quelque temps de négocier l’adhésion de la Turquie à l’UE, même dans un lointain avenir.
Pour la Turquie, dont l’économie souffre énormément, un rapprochement avec Moscou est essentiel. Erdogan a besoin de bonnes nouvelles. Avec Poutine, il entend remettre en route le projet de gazoduc TurkStream à travers la mer Noire et hâter la construction par les Russes en Turquie d’une centrale nucléaire. Il espère aussi que les vacanciers russes viendront sur ses rivages remplacer les Européens qui les ont désertés.
Tout indique que les inquiétudes de l'Occident ne sont pas sans fondement, car au lieu de rencontrer ses alliés de l'Otan, M.Erdogan choisit la Russie pour son premier voyage à l'étranger après le putsch raté.
Les négociations entre les présidents russe et turc, Vladimir Poutine et Recep Tayyip Erdogan, se dérouleront mardi 9 août à Saint-Pétersbourg.