Mais il ne faut pas s'y tromper: cette qualité moindre était volontaire de la part des producteurs, et a même posé les bases de l'économie de consommation moderne. Le New Yorker révèle la véritable histoire des ampoules électriques.Les ampoules à incandescence auraient une faible durée de vie… Vraiment? Le Livre des records Guinness témoigne qu'une ampoule est en usage depuis 1901 dans la caserne des pompiers de Livermore (Californie). Elle est allumée depuis 115 ans et a déjà fonctionné plus d'un million d'heures. Cette ampoule a été fabriquée par la société Shelby Electric dans l'État de l'Ohio et dispose d'un filament de carbone de la même épaisseur (d'un cheveu) que les filaments de tungstène de ses successeurs actuels.
Le concept d'obsolescence programmée n'est pas apparu par hasard: les économistes des années 1930 appelaient même à l'employer pour mettre un terme à la Grande dépression. Simplement, quand la dépression a pris fin, ce modèle n'a pas été abandonné: il est devenu la base de toute l'économie de consommation moderne. L'obsolescence est intégrée absolument dans tout ce qu'achète le consommateur jusqu'à aujourd'hui, et les arguments en faveur de cette stratégie se faisaient également entendre durant la dernière crise financière aux USA en 2007-2008.
Mais une fois de plus, comme il y a cent ans, l'ampoule prête à servir l'humanité rencontre un obstacle: comme dans les années 1920, les compagnies ignorent comment survivre en fabriquant un produit à la durée de vie élevée, qui fonctionnera pendant des années et des décennies. "Le modèle commercial qui rendrait rentable cette production n'a pas encore été inventé", souligne le New Yorker.
Par contre, si le modèle commercial des producteurs d'ampoules LED dérivait vers la fabrication de produits à moindre coût et à plus faible durée de vie, alors la technologie LED serait une nouvelle victime de l'économie de consommation.
Les produits à longue durée de vie existent mais restent coûteux et donc peu abordables. Une ingérence des représentants politiques est nécessaire pour faire de ces marchandises un produit vraiment accessible à tous. Depuis plus de 30 ans, les économistes disent que les produits à plus longue durée de service ne sont pas nuisibles pour les entreprises et permettent, au contraire, de fixer des prix plus élevés, d'engager plus de personnel, de développer le secteur de la réparation et de la maintenance, et enfin de réduire les déchets produits par l'homme. En 2015, un consortium d'organisation de protection de la nature, y compris des agences gouvernementales européennes, a appelé à produire des marchandises plus durables. En 2016, le Parlement européen a rendu public un rapport sur les avantages de tels produits pour les entreprises et les consommateurs.
Néanmoins, aucun pays n'a encore pu séparer la croissance économique de l'impact sur l'environnement. En dépit de la popularité des produits énergétiquement efficaces, recyclés, biodégradables et non toxiques, la consommation des ressources continue d'augmenter. L'humanité et la pollution continuent d'avancer main dans la main. Les lois ne suffisent pas: il faut changer la culture de consommation elle-même. Si aujourd'hui, la mode est d'avoir quelque chose de nouveau tous les jours, à terme, pour parvenir à réduire notre consommation, nous devrons apprécier "l'ancien, mais meilleur" plus que le "nouveau et dernier sorti". C'est précisément l'obstacle le plus difficile que le cartel Phœbus a placé devant la société de consommation il y a cent ans.