Le sentiment anti-français bat son plein en Libye suite à l'annonce de la mort de trois sous-officiers du renseignement en mission à Benghazi. Ceci a forcé Paris à reconnaître sa présence militaire dans le pays et a attisé la polémique anti-française, la France étant accusée d'ingérence dans le conflit libyen.
Après les manifestations de colère, le gouvernement d'Union nationale appelle à boycotter les entreprises françaises. Le Conseil de la Choura des révolutionnaires, une coalition de milices, appelle de son côté à lutter contre l'"invasion des croisés".
"On découvre dans le même temps que la France, comme la plupart des pays de l'UE qui soutiennent le gouvernement d'Union nationale, soutient également le Général Haftar. Évidemment, la France brouille son message et on a la sensation qu'il y a un double jeu", estime Kader Abderrahim, chercheur associé à l'Institut des relations internationales et stratégiques, spécialiste du Maghreb et de l'islamisme, et maître de conférences à Sciences-po Paris, dans un entretien accordé à Sputnik.
Selon lui, ce qui devait arriver arrive, c'est-à-dire le sentiment anti-français, certainement orchestré, qui est en train de grossir en Libye. Cela provoque une situation pour le moins délicate, à la fois sur le plan diplomatique, mais également pour les militaires français qui sont présents sur place et peuvent être pris pour cible.
En Libye, c'est déjà le chaos. Il est extrêmement difficile à moyen terme d'envisager une solution politique. Si d'autres États étrangers tels que la France viennent s'immiscer dans les affaires libyennes, en prenant partie pour le Général Haftar contre le gouvernement d'Union nationale de Monsieur al-Sarraj qui siège à Tripoli, la situation deviendra inextricable.
"Je pense qu'il serait à la fois sain et légitime que la France clarifie sa position, qu'elle sache exactement ce qu'elle veut et ce qu'elle veut défendre en Libye", poursuit M. Abderrahim.
On a vu la semaine dernière la déclaration du Conseil de la Choura, une sorte du parlement consultatif dominé par les personnalités religieuses, appeler à boycotter les entreprises françaises et à remettre en cause les intérêts français. Cela peut provoquer une situation délicate pour l'approvisionnement en pétrole dans ce pays qui, dès qu'il retrouvera la stabilité, va devenir un eldorado pour toutes les entreprises occidentales, notamment françaises. Et si la France ne clarifie pas sa position, quels risques cela peut-il entraîner?
"Il faudrait clarifier très vite la position de la France pour éviter qu'on se retrouve dans une situation ingérable provocant des tensions supplémentaires, et qui mettent les vies des Français en Libye en péril", résume l'expert.