Pays-Bas, Ukraine, UE, l'impossible association ?

© REUTERS / Peter DejongLes manifestants appellent à un vote «NON»
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Les Pays-Bas signeront-ils l’accord d’association UE-Ukraine? Leur Premier ministre, Mark Rutte, souhaite tenir compte des 61% des Néerlandais qui ont voté contre, mais ne pas se fâcher avec ses 27 partenaires. Comment prendre ce "non" en compte sans laisser les Pays-Bas sur la touche?

Bien que le parlement néerlandais ait donné son feu vert à l'accord d'association entre l'Ukraine et l'UE, le gouvernement hollandais hésite à mettre sa signature au bas du document. Il faut dire que 61 % des Néerlandais ont dit non à l'accord UE-Ukraine lors du référendum d'avril dernier. Le Premier ministre Marc Rutte a averti ses confrères à l'issue du premier jour du sommet de l'UE du danger du blocage définitif de ratification du document. "Nous devons trouver la réponse aux inquiétudes des compatriotes. Si nous ne pouvons pas le faire, nous ne le ratifierons pas", a-t-il martelé. D'après Bruno Drweski, le directeur de la revue "La pensée libre", c'est le vote britannique lors du dernier plébiscite qui fait réfléchir les dirigeants européens sept fois avant d'agir à l'encontre de l'avis de leur population.

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"L'effet indirect du Brexit sur la Hollande doit expliquer cette attitude (celle de Mark Rutte), sachant que pour toutes sortes de raisons qui dépassent largement le cadre de l'accord Ukraine-UE, le peuple hollandais est très sceptique à l'égard de la façon dont l'UE fonctionne. À cela s'ajoute le cas ukrainien qui, comme on le sait, est un pays qui va mal. Il risque d'apporter beaucoup plus de problèmes à l'UE que d'avantages, aux yeux des sociétés, très particulièrement ceux de la société néerlandaise, qui subit aussi les contrecoups des politiques européennes et en particulier dans le domaine des migrations, y compris en provenance d'Ukraine."

C'est au lendemain du référendum néerlandais que Mark Rutte déclarait avec regret que la Haye ne pourrait pas négliger l'avis de ses citoyens, bien qu'il ait noté qu'un seul pays ne pouvait pas décider de l'issue d'un tel accord à la place de l'Europe tout entière. Le choc britannique aurait accentué le problème, qui a également des implications électorales. Les législatives approchent aux Pays-Bas, c'est en mars prochain que les Néerlandais évalueront le bilan de la politique de leur gouvernement. Et c'est à cela que pense M. Rutte, selon Xavier Moreau, auteur du livre "Ukraine. Pourquoi la France s'est trompée".

"Il faut voir les choses du point de vue électoral. Les Néerlandais ont également des échéances électorales. Et de montrer qu'on bafoue un référendum démocratique, ça ne fait pas une très bonne publicité. L'équivalent de ce qui a été fait en France en 2005 lorsque les Français ont largement voté contre la Constitution européenne, N. Sarkozy a quand même attendu deux ans avant de relancer le processus. Je crois que ce serait un peu risqué pour le gouvernement néerlandais de bafouer ouvertement la volonté de la population."

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Les résultats "désastreux" du plébiscite hollandais sont dus à plusieurs facteurs, selon les experts. C'était le non et à la politique incohérente de l'UE et à l'Ukraine, un État corrompu que les Ukrainiens rêvent de fuir pour proposer leur main-d'œuvre pas chère au marché européen. C'est enfin l'incompréhension de cet accord d'association et de ses avantages qui a amené les Néerlandais à se prononcer contre. Selon un sondage évoqué le jour même du référendum, le 6 avril, par The Telegraph, 67% des Hollandais considéraient que l'accord d'association était un prélude à l'adhésion de l'Ukraine à l'UE. 68% disaient qu'ils ne voulaient pas que leur argent coule vers un pays aussi corrompu.

Marc Rutte espère que l'UE pourra proposer des garanties juridiques supplémentaires à son pays pour pouvoir, la conscience tranquille, contourner l'avis du peuple hollandais. Rutte a promis de faire de son mieux pour trouver cette solution "légale". "Je ne sais pas encore si ça se fera sous forme de modification du texte ou bien ce sera une solution qui ne nécessitera pas de tels changements. Il sera difficile de trouver la solution, mais il faut essayer", a-t-il conclu. Bruno Drweski estime que le gouvernement néerlandais sera obligé de tenir compte du NON au référendum à l'accord UE-Ukraine.

"C'est difficile de dire qu'il a exactement en tête. Je pense qu'il a tout simplement pris conscience du mécontentement de son peuple tel qui s'est manifesté par le référendum. Je pense qu'en ce moment, nous avons en Europe des élites qui gouvernent à vue et qui constatent la résistance au sein de leurs propres peuples et qui savent qu'ils ne peuvent plus ne pas en tenir compte. Je doute que le gouvernement hollandais soit conscient de ce qu'il faut faire, mais il se rend compte de ce qu'ils ne peuvent plus faire. La question de l'appartenance de l'Ukraine à l'UE ne se pose pas, tout au moins dans un avenir prévisible. Bien sûr, la question d'une intégration de l'Ukraine à l'UE est beaucoup trop coûteuse et donc pour le moment il n'en est évidemment pas la question."

Pour Xavier Moreau, la question de l'adhésion de l'Ukraine à l'UE ne se pose même pas à l'heure actuelle au sein de l'UE. Et l'accord d'association qui est déjà signé par 27 membres à l'exception des Pays-Bas n'est pas du tout profitable à l'Ukraine, ni à l'Union européenne.

"Je pense qu'il va essayer de trouver un mauvais compromis. Ce qui fait peur aux membres de l'UE, c'est la question des quotas. Les membres de l'UE ne veulent pas voir arriver sur leur marché notamment les produits agricoles ukrainiens moins chers et en grande quantité. Il s'agit de préserver justement le marché européen, ce qui existe pour l'instant. L'accord d'association ne servait absolument en rien l'Ukraine. Je pense que c'est sur ce genre de choses qu'il va vouloir négocier."

Mais pour Xavier Moreau, le sort de l'accord d'association entre l'Ukraine et l'Union européenne n'est pas scellé. Et il se peut que ce soient les Ukrainiens qui seront les premiers à renoncer à ce traité injuste..

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"Je pense que cela ne va pas tenir très longtemps. Tôt ou tard, les Ukrainiens vont admettre que c'est catastrophique pour leur économie, surtout dans la perspective des sanctions contre la Russie. Comme la Russie a émis des sanctions contre l'UE, dans la mesure où l'Ukraine a ouvert un régime sans douanes avec l'UE, elle se retrouve du même coup frappée par les mêmes sanctions. La fin du marché russe est une véritable catastrophe économique. L'accord d'association est purement idéologique. Il n'a jamais été question d'intégrer l'Ukraine à l'UE. L'Union n'existera plus lorsque l'Ukraine sera capable d'en faire partie."

Mark Rutte disait à l'issue du référendum néerlandais que l'Ukraine n'adhérerait jamais à l'Union européenne. Que ce soit un slogan électoral ou sa propre conviction, dans l'esprit des dirigeants européens, l'Ukraine s'éloigne de plus en plus de son rêve de rejoindre la famille européenne.

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