Le gouvernement s'est saisi du double prétexte des incidents qui ont émaillé la manifestation du mardi 14 contre la loi El Khomri et de la légitime émotion suscitée par l'odieux crime de Magnanville, où deux policiers ont été les victimes d'un djihadiste, pour tenter d'interdire les manifestations. Ce qui est en cause n'est rien de moins que le cadre des libertés publiques.
Déclarations en tout sens
Le Président de la République, François Hollande a annoncé en conseil des ministres le 15 juin qu'il n'y aurait plus d'autorisation de manifester si la préservation des « biens et des personnes » ne pouvait être « garantie ». Comme l'a déclaré à la suite de ce conseil des ministres le porte-parole du gouvernement M. Stéphane Le Foll, par ailleurs ministre de l'Agriculture et bien habitué aux manifestations violentes: « A un moment où la France accueille l'Euro, où elle fait face au terrorisme, il ne pourra plus y avoir d'autorisation de manifester si les conditions de la préservation des biens et des personnes et des biens publics ne sont pas garanties. » L'amalgame est ainsi ouvertement réalisé entre les terroristes, les hooligans, et le mouvement social. Rappelons, pour ceux qui auraient pu l'oublier, que ceci est le fait d'un gouvernement « de gauche » toujours prompt à accoler le qualificatif « d'extrême-droite » sur tous ses opposants. Ces propos sont honteux. Ils sont aussi profondément scandaleux. Ils sont enfin de la plus extrême gravité.
La question des « casseurs »
La présence de « casseurs », de gens cherchant délibérément à en découdre dans les manifestations, est un fait qui date de plus de quarante ans. Que cette présence pose un problème est une évidence; mais elle ne date pas des dernières manifestations. Ce qui est grave aujourd'hui c'est que l'on voit réapparaître du côté de la police et ce depuis plusieurs semaines des pratiques qui avaient disparu depuis la fin des années 1970, voire 1980, comme le tir tendu de grenade, les brutalités à l'encontre des journalistes, voire de collégiens, sans oublier l'usage du flash-ball — deux personnes ont été éborgnées. Il est incontestable que l'on a franchi un nouveau palier. Des nouvelles victimes innocentes ont été relevées lors de la manifestation du 14 juin.
Ce sont ces pratiques qui ont brisé l'unanimité nationale autour des forces de police, ce que l'on appelait « l'esprit du 11 janvier ». La responsabilité en incombe aujourd'hui complètement et totalement au gouvernement.
Qui décide?
On connaît l'adage du Droit: « Le Prince couvre le sujet ». Il faut alors poser des questions à ce gouvernement. La multiplication de ces incidents, combinée à la relative impunité dont ont pu bénéficier certains « casseurs » et qui a été soulignée dans de multiples reportages, soulève des interrogations légitimes. A-t-on donné des ordres spécifiques à la police ou, ce qui semble plus probable — et ce qui en un sens est pire — l'a-t-on laissée sans ordre? Si tel est le cas, qu'est ce que cela révèle dans le fonctionnement des administrations?
C'est une situation réellement inquiétante car le comportement d'une minorité de policiers, dont on refuse qu'elle puisse être étendue à l'ensemble de la police, mais aussi et surtout du ministère de l'Intérieur, dont les propos du mardi 14 au soir faisant l'amalgame entre le crime odieux dont deux policiers ont été victimes et le mouvement social, et indirectement du Premier-ministre, durcit les oppositions et fait peser sur les forces de l'ordre un discrédit qui est d'autant plus grave que nous sommes en état d'urgence. Cette situation devrait logiquement conduire le gouvernement à ne pas chercher à antagoniser les oppositions, à retirer — ne serait-ce que provisoirement — la loi El Khomri, et à contrôler le comportement des forces de l'ordre qui sont sous sa responsabilité. Or, il fait aujourd'hui tout le contraire et rajoute à une situation tendue de dangereuses provocations.
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