Washington aide le groupe énergétique américano-japonais Westinghouse à s'implanter en Europe de l'Est, mais la sécurité des pays européens l'intéresse peu, affirme le magazine américain Forbes.
"Westinghouse n'est pas un simple groupe énergétique américain. C'est un bélier de Washington", note le magazine.
Dans ce contexte, les tendances antirusses en Europe profitent au groupe qui y voit un moyen de se maintenir à flot. Mais la méthode de Westinghouse qui consiste à saper les projets du groupe nucléaire public russe Rosatom pour le supplanter en Europe est assez dangereuse.
République tchèque
Les cartouches de Westinghouse ont déjà posé des problèmes à plusieurs centrales européennes dont celle de Temelin, dans la République tchèque.
"Les assemblages de combustible de Westinghouse sont moins bons et plus chers que le combustible russe. Cela a provoqué des arrêts fréquents des réacteurs de la centrale de Temelin", a déclaré l'ancien premier ministre tchèque Jiri Paroubek cité par le magazine.
En 2007, le groupe énergétique tchèque CEZ a même dû renoncer au combustible de Westinghouse au profit d'un combustible russe suite à une perte d'étanchéité des assemblages de combustible dans plusieurs réacteurs. De tels incidents présentent un risque d'accident.
"La décision de CEZ montre que les cartouches de combustible russes étaient plus fiables et que Washington faisait la promotion des produits qui présentaient un danger pour les centrales nucléaires", note Forbes.
Westinghouse peut produire des cartouches pour les blocs de conception russe tout comme Rosatom est capable de produire du combustible pour les réacteurs conçus en Occident. Mais "les prix du producteur russe sont inférieurs à ceux de Westinghouse. Les pays qui s'adressent au groupe américain sont donc obligés de payer plus cher pour la diversification des sources de combustible", ajoute le magazine.
Bulgarie
Toutefois, des problèmes financiers importants ont empêché la Bulgarie de réaliser ce projet. Il s'est avéré que le prix de base du réacteur AR-1000 s'élevait à 7,7 milliards de dollars, alors que le groupe russe Rosatom avait proposé de construire les deux réacteurs de Belene pour une somme beaucoup moins importante.
M.Borisov a reconnu que Sofia avait renoncé au projet de Belene pour des raisons politiques.
Ukraine
Evincer la Russie du marché du combustible nucléaire ukrainien est un autre projet d'envergure de Westinghouse en Europe.
"Deux ans plus tard (après le coup d'Etat de février 2014 en Ukraine), le nouveau premier ministre ukrainien Arseni Iatseniouk a mené des discussions avec Westinghouse sur les candidatures des nouveaux membres du régulateur de sûreté nucléaire ", rapporte Forbes.
En 2014, l'Ukraine et Westinghouse ont signé un nouvel accord sur les livraisons de cartouches du groupe à plusieurs centrales nucléaires du pays jusqu'à 2020. Kiev a expliqué la signature de l'accord par la nécessité de réduire sa dépendance énergétique vis-à-vis de la Russie, qui lui fournit toujours du combustible pour ses centrales malgré les relations tendues entre les deux pays.
Des experts ont plusieurs fois averti Kiev que le combustible de Westinghouse présentait une menace pour la sécurité des centrales, conçues pour utiliser du combustible de fabrication russe. Toutefois, cela n'a pas dissuadé l'Ukraine, qui a chargé les 42 premières cartouches de Westinghouse dans le 3e réacteur de sa centrale Ukraine du Sud en mars 2015.
En 2015, les spécialistes de la centrale ont enregistré une perte d'étanchéité de deux des 42 cartouches de Westinghouse dans ce réacteur. Le groupe avait pourtant affirmé que ses cartouches modernisées et fiables étaient adaptées pour les réacteurs VVER-1000 ukrainiens.
Vendredi, le ministre ukrainien de l'Energie Igor Nassalik a constaté l'arrêt du 3e réacteur de la centrale Ukraine du Sud qui utilise les cartouches de Westinghouse.
Les intérêts commerciaux de Westinghouse, qui bénéficie en outre du soutien des autorités américaines, priment sur la sûreté nucléaire.
En tout cas, "la carte de la politique antirusse est plus forte que celle de la sûreté nucléaire", conclut Forbes.