La décision de Manuel Valls d'utiliser le 49-3, c’est-à-dire de faire passer la loi sans avoir recours à un vote de l’Assemblée, illustre un aveu d'échec, d'après Jacques Myard, député Les Républicains (LR) à l'Assemblée nationale, "car à l'évidence les socialistes sont fortement divisés et il n'y a aucun accord entre eux".
Et si les socialistes eux-mêmes, même s'ils sont en désaccord, ne présenteront jamais de motion de censure pour faire tomber le gouvernement, l'opposition peut bien le faire, a confié Jacques Myard dans un entretien à Sputnik.
Pourtant, "les députés de gauche dont je fais partie sont en train de préparer une autre motion de censure, sur d’autres bases que celles de la droite, et nous espérons obtenir d’ici demain le nombre de signatures nécessaires pour déposer cette motion", a déclaré à Sputnik Jérôme Lambert.
"Ça sera une manière inédite si nous y parvenons, la première fois que sur un même texte il y ait deux motions de censure d’inspiration évidemment très différente", souligné le député.
Le député explique que pour que le texte soit rejeté, il faut que la majorité des députés votent le même texte de motion de censure. Pourtant, la motion de censure déjà proposée par les députés LR a peu de chances d'être votée, la droite étant minoritaire à l’Assemblée nationale. Beaucoup de députés de gauche ne voteront pas la motion proposée par l’opposition, laquelle remet en cause l’intégralité de la politique du gouvernement.
La gauche va donc proposer sa propre motion de censure contre le projet de loi Travail, rejetant un certain nombre de dispositions qu’elle estime n’avoir pu débattre en séance publique.
Par exemple, les députés de gauche se prononcent contre ce qu’ils appellent l’inversion de la hiérarchie des normes, qui permettrait à une entreprise de faire la réglementation par secteur d'activité. Il y a des accords qui sont passés par les syndicats avec le patronat par secteur d'activité, explique le M. Lambert.
"Ainsi pour la rémunération des heures supplémentaires, le taux de rémunération, la détermination du nombre d'heures supplémentaires – ce sont des accords de branche qui le décident aujourd'hui", constate le député.
Si aujourd'hui une entreprise ne peut fixer le taux de rémunération des heures supplémentaires qu’à un minimum de 25% supplémentaires, "demain avec le nouveau projet de loi une entreprise pourra décider de déroger à la norme de la branche en disant: dans la branche d'activité le taux de rémunération des heures supplémentaires est égal à 25% supplémentaires et nous, nous proposons de le rémunérer à 10 pour cent supplémentaires. Et la loi le permettra", souligne M. Lambert.
Il explique que grâce à la loi, les entreprises pousseront les salariés à accepter des conditions de travail ou de rémunération moins bonnes.
Le député avoue qu'il ne sera pas facile d’obtenir le nombre nécessaire de signatures.
"A gauche, nous nous sommes réunis avec des membres du groupe de la gauche communiste, la GDR, la gauche démocrate républicaine. Il y avait des socialistes, il y avait des écologistes et moi, qui siège avec le Groupe radical. Donc il y avait des représentants de tous les groupes de gauche de l'Assemblée. Mais il faut être 58 au total. Tout à l'heure une quarantaine, donc il faut trouver une vingtaine de députés supplémentaires qui n'étaient pas à la réunion mais qu'on peut d'ici demain essayer de convaincre", a confié Jérôme Lambert à Sputnik.
Jacque Myard ne pense non plus que la lutte sera facile.
Le vote "fera certainement le plein des voix de toutes les oppositions… y compris sans doute de certaines personnes à gauche qui vont voter la motion, mais je ne pense pas qu'elle obtienne la majorité et donc le gouvernement ne tombera pas", d'après les prévisions de M. Myard.
Pourtant, d'après le député, cette motion est révélatrice. A un an des élections présidentielles, la majorité présidentielle, le président de la République et son premier ministre sont dans une impasse. "Ils n'ont pas la confiance non seulement des Français mais de leur propre majorité", constate Jacques Myard.
Comme l'explique le député, cette motion de censure ne fait qu'illustrer l'état de l'opinion publique qui est très remontée contre le gouvernement de manière générale.
"Bien sûr, il y a des gens à gauche et les syndicats sont contre le projet de loi … la réforme du code du travail et ça va bien au-delà", souligne le député.
"En réalité nous n'avons jamais eu un président de la République qui ait aussi peu de soutien dans l'opinion public, donc c'est un échec. Et je ne pense pas que M. Hollande puisse être capable de redresser la barre… et je ne suis même pas certain qu'il soit capable de se présenter aux prochaines élections présidentielles", conclut Jacques Myard.
Le gouvernement avait décidé de recourir à l'arme du 49-3 afin que le projet de loi Travail puisse être adopté sans vote "pour la quatrième fois depuis le début du quinquennat, et à nouveau sur un texte qui a été présenté aux Français comme un grand texte réformateur", s'indignent les députés LR-UDI.
Si la motion de censure est adoptée, elle renversera le gouvernement.