Dans une interview accordée au quotidien italien La Repubblica, le célèbre écrivain turc Orhan Pamuk, plusieurs fois menacé pour avoir fait des déclarations sur le génocide des Arméniens et le massacre des Kurdes, n'a pas mâché ses mots.
L'écrivain est revenu sur les déclarations du président turc Recep Tayyip Erdogan, qui accuse des intellectuels de l'avoir insulté.
"Personne n'insulte le chef de l'Etat. Ce qui est en cause, c’est son intention de réduire au silence l'opposition politique et de réprimer la liberté de pensée. Il s'agit de l'intimidation de la population et du pays. Il s'agit d'interdire à quiconque de critiquer le gouvernement", a-t-il martelé.
Orhan Pamuk ne craint pas pour sa vie. Toutefois, il avoue avoir peur pour son pays, pour ses amis, pour les Turcs laïcs, cultivés et pro-européens.
"La liberté de la presse m'inquiète fort. J’ai peur pour les journalistes qui critiquent le gouvernement et qui sont menacés, licenciés. On ferme leurs journaux. Ces dernières années, notre gouvernement pro-islamique perd graduellement son image libérale. L'Etat devient de plus en plus autoritaire et répressif", signale l'écrivain.
Force est de constater que ses craintes ne sont pas gratuites. CNN Turk rapporte que l'agence Cihan, le journal Zaman et la chaîne de télévision Küre TV, placés sous tutelle judiciaire, seront fermés à partir du 15 mai prochain sur décision de l'administrateur chargé de leur direction.
Le journal Zaman paraît depuis 1986. En 2011, il était tiré à un million d'exemplaires. Le journal était diffusé à l'étranger. Ses critiques violentes contre le gouvernement turc ont valu à ses journalistes des poursuites judiciaires pour activité antigouvernementale.
Fin 2015, les autorités ont fermé les chaînes de télévision privées Kanalturk et Bugun TV, les journaux Bugun Gazetesi et Millet Gazetesi, ainsi que la radio Kanalturk Radyo faisant partie du groupe Koza-Ipek. Les autorités turques estiment que ce groupe, ainsi que le journal Zaman et l'agence Cihan sont liés à l'imam Fethullah Gülen, "l'ennemi public numéro 1" du chef de l'Etat, vivant en exil aux Etats-Unis.