Le TAFTA est-il mort-né?

© REUTERS / Francois LenoirA pedestrian walks past graffiti that reads, "No TAFTA, No TTIP", in Brussels, Belgium, July 27, 2015.
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Greenpeace attaque? L’UE contre-attaque! Après la publication par l’ONG écologiste de 248 pages des négociations confidentielles du traité transatlantique, la France hausse encore le ton contre le traité tandis que l’UE affirme que c’est un non-sujet.

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Pour l'Union européenne, les TAFTA leaks sont un non-sujet. Sans valeur juridique, ne représentant que les positions des négociateurs à un instant T, Ignacio Garcia Bercero négociateur de l'UE et Mme Malmström commissaire européenne au Commerce, se sont appliqués à déminer ce qui pourrait bien être l'ultime piège pour le traité transatlantique. Car tandis que l'ONG écologiste publie des documents, les négociations avancent: la 13e session des négociations sur le traité transatlantique (TAFTA) s'est déroulée du 25 au 29 avril derniers. Selon Ignacio Garcia Bercero, "la session a permis de mettre à plat les divergences entre les parties au traité (USA et UE)", le "texte consolidé [qui a fait l'objet des fuites, ndlr] ne représente en aucun cas le résultat des négociations, et ne traduit que les aspirations de chaque partie aux négociations". L'émissaire européen s'applique à répondre point par point à Greenpeace, quand il affirme que "l'UE ne considère pas la nécessité d'approuver les propositions américaines en matière d'OGM", et que "les régulations américaines et européennes ont été présentées, et cela n'affecte pas les processus de +décision making+ européen".

Les propos de M. Garcia Bercero rejoignent ceux de Mme Malmström, expliquant que les documents fuités par Greenpeace concernent un état des négociations qui n'a aucun effet juridique et que la conclusion des négociations ne causera pas d'abaissement des normes européennes en matière de protection du consommateur, d'environnement et de santé publique: "Je ne suis pas de celles qui vont abaisser les normes", affirme Mme Malmström.

Néanmoins, 24 heures après la publication des documents, l'opinion publique et politique est plus que jamais majoritairement opposée à la ratification d'un tel traité. C'est le cas du Secrétaire d'État au Commerce extérieur, Matthias Fekl, qui a dénoncé "l'état d'esprit des Américains" et qui a estimé que le retrait de la France des négociations serait la meilleure option envisageable.

​M. Philippe Béchade, macro-économiste et chroniqueur auprès du think tank "Les Econoclastes" nous explique ce que révèlent les propos de Mme Malmström.

"Depuis le départ, une négociation secrète, où lorsque quelque chose fuite, on répond que ce n'est qu'un ballon d'essai, des pourparlers préliminaires […] et on peut effectivement enfumer le public jusqu'au bout; comme cela, ils peuvent continuer jusqu'à ce qu'il y ait quelqu'un qui claque la porte."

"Les Américains pourraient faire passer le principe d'arbitrage qui soit rendu dans des conflits, arbitrages rendus par des entités de type tribunal de commerce; cela signifie que les Américains sont totalement maîtres du jeu."

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Selon la commissaire européenne au Commerce, chaque nouvel accord commercial de l'UE renforce les standards de l'UE, une affirmation qui semble en contradiction avec l'objectif de libre échange affirmé par les traités européens et par la dérégulation qu'applique l'UE en conséquence. De plus, les négociations ne sont pas exemptes de coups bas, comme le chantage américain au blocage d'exportation d'autos européennes pour forcer l'accès au marché européen des produits agricoles américains. L'UE arrivera-t-elle à "renforcer ses standards" dans de telles conditions?

"On veut aboutir à un accord qui voudrait renforcer la souveraineté; quand on sait qu'on a à faire avec 28 pays qui ne sont pas d'accord sur grand-chose, alors qu'en face il y a un bloc rompu aux pratiques visant à rendre leurs accords et décisions souverains et hégémoniques, je doute beaucoup que l'Europe arrive à imposer quoi que ce soit aux négociateurs anglo-saxons."

Ce traité est-il mort-né? Car la France risque bien de se retirer du traité comme celui multilatéral de 1995, suite aux propos de M. Fekl.

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"Pour des décisions de type Schengen, ou constitution européenne, on a besoin d'une unanimité; […] je pense qu'au sein des 28 pays membres européens, il y en a beaucoup qui trouveront à redire au sujet de l'importation de viande ou de céréales; […] même si la France pratique la politique de la chaise vide, ce sont les négociateurs qui priment."

Comment Washington réagirait-elle à un refus français?

"Si le refus français fait capoter la négociation, il faut s'attendre à des choses comme le pillage de la BNP et des difficultés pour Airbus."

C'est que le contexte en question n'est pas des plus favorables aux échanges de part et d'autre de l'Atlantique. Les médias allemands ont révélé que Washington faisait pression sur Bruxelles pour obtenir une ratification, en menaçant de bloquer les exportations de voitures européennes afin de pouvoir écouler sur le marché européen des produits agricoles américains, lesquels ne répondent pas aux standards européens en matière de santé.

​Pour rappel, ce n'est pas la première fois que la France se retrouve dans cette situation, mettant fin à des négociations internationales, comme nous l'explique M. Alain de Benoist, philosophe, politologue et auteur du livre "Le traité transatlantique et autres menaces":

"Dans le passé, il y avait eu un projet multilatéral d'investissement (l'AMI), lui aussi négocié secrètement, entre 1995 et 1997, entre les USA et les états membres de l'OCDE; l'une des raisons de l'échec était due au fait que la France lui avait retiré son soutien en raison d'un mécanisme prévoyant des résolutions d'arbitrage assez semblable à celui du TAFTA."

Aujourd'hui même, le président français François Hollande a déclaré que la France refuserait ce traité TAFTA au stade actuel des négociations.

​En tout état de cause, si le TAFTA devait être ratifié, ce qui semble improbable avant la fin du mandat de M. Obama, ce traité aura tellement été discuté, négocié et contesté, qu'il n'aura peut-être plus la même substance que celle de ses débuts, trois ans auparavant.

Les opinions exprimées dans ce contenu n'engagent que la responsabilité de l'auteur.

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