Pour "Soldats d'Allah", extraordinaire plongée d'une heure et demie au coeur d'un groupe d'islamistes radicaux diffusé lundi soir sur Canal+, le journaliste Saïd Ramzi (un pseudonyme), musulman "de la même génération que les tueurs du Bataclan", a commencé par gagner leur confiance.
Si les premiers contacts, via des groupes prêchant le jihad sur Facebook, sont faciles, il a fallu ensuite rencontrer en personne celui qui se présente comme "l'émir" de cette dizaine de jeunes gens, certains musulmans par leur famille, d'autres convertis, rapporte l`AFP.
"Mon but était de tenter de comprendre ce qu'ils ont dans la tête", dit Saïd Ramzi à l'AFP. "Et l'un des enseignements principaux est que je n'ai pas vu d'islam dans toute cette affaire. Aucune volonté de rendre le monde meilleur. Seulement des jeunes paumés, frustrés, perdus, suicidaires, faciles à manipuler. Ils ont eu la malchance d'être nés à cette époque où il y a l'Etat islamique. C'est très triste. Ce sont des jeunes en quête, et c'est ce qu'ils ont trouvé".
Lors de leur première rencontre, l'émir du groupe, un jeune franco-turc qui se fait appeler Oussama, tente de convaincre le journaliste, qu'il ne connait que sous le nom d'Abou Hamza, que le paradis les attend, à l'issue d'une mission suicide, en Syrie ou en France.
"Vers le paradis, c'est ça le chemin", lui murmure-t-il, avec un constant sourire qui glace le sang. "Viens, frère, on va au paradis. Nos femmes nous y attendent, avec des anges comme serviteurs. Tu auras un palais, un cheval ailé fait d'or et de rubis".
Certains, comme Oussama, tentent de rejoindre les "terres du califat" en Syrie. Arrêté par la police turque, remis à la France, il fait cinq mois de prison avant d'être libéré. Sous contrôle, obligé de signer une fois par jour à la gendarmerie, la messagerie en ligne cryptée Telegram, lui permet de garder le contact, de donner des rendez-vous au cours desquels le projet de commettre un attentat en France prend forme.
"Il faut frapper une base militaire" assure Oussama. "Quand ils mangent, ils sont tous alignés…. Ta-ta-ta-ta-ta! Ou alors les journalistes, BFM, iTélé, ils sont en guerre contre l'islam (…). Comme ils ont fait à Charlie. Il faut leur casser le coeur. Par surprise, qu'est-ce que tu veux qu'ils fassent. Ils ne sont pas bien protégés. Il faut que les Français meurent par milliers".
Des membres du groupe à Orléans assurent être parvenus à se procurer une kalachnikov, mais l'étau se resserre. Les premières arrestations ont lieu, les "soldats d'Allah" restaient dans le collimateur de la police. Un membre, plus méfiant qui a échappé au coup de filet, lui envoit un message: "T'es cuit, mec".
"Mon infiltration s'arrête-là", dit le journaliste. Son objectif, "montrer les coulisses d'une organisation qui maîtrise totalement son image", est atteint.